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dictature éphémère et le ressentiment d’une déchéance méritée. Ces hommes-là se ressemblent partout, et la même ressemblance existe entre leurs œuvres, qu’ils s’appellent Ledru-Rollin ou Mazzini, qu’ils aient associé leurs noms aux premières fautes de la république française ou aux derniers crimes de la république romaine. Pour se distraire de leurs loisirs et se dédommager de leurs défaites, ces deux tribuns en disponibilité révolutionnaire viennent d’écrire, l’un, deux gros volumes sur la Décadence de l’Angleterre, l’autre, un petit livre sur l’Italie, intitulé : République et Royauté. Ni l’ouvrage de M. Ledru-Rollin, ni celui de M. Mazzini ne peuvent être pris au sérieux. L’ancien signataire des circulaires, en extrayant de documens officiels et en faisant suivre de déclamations emphatiques le tableau des plaies matérielles et morales qui rongent, selon lui, la Grande-Bretagne, n’a oublié que deux choses : l’hospitalité qu’il y recevait et les événemens qui l’y avaient conduit ; il a négligé de se demander si le mauvais succès de ses efforts pour le bonheur de la France ne discréditerait pas ses remarques sur les misères de nos voisins ; son livre est à la fois un acte d’étourderie et un acte d’ingratitude. Celui de M. Mazzini avait au moins l’avantage de se recommander à notre curiosité par une préface de George Sand. Hélas ! là encore, notre attente a été tristement déçue : quelques pages bien vides, un premier-Paris du National ou de la République, voilà tout ce que l’ouvrage de M. Mazzini a inspiré à l’éloquent écrivain, qui s’est donné la peine de le traduire, et qui eût mieux fait d’employer son temps à donner une sœur à la Petite Fadette ou un frère à François le Champi. Ce qui nous frappe dans toutes ces déclarations de principes, italiennes ou françaises, c’est le ton vague et déclamatoire. Dans les œuvres d’histoire contemporaine écrites à un point de vue de modération conservatrice ou de libéralisme éclairé, on trouve des faits, des déductions, des preuves ; on sent que l’auteur, au lieu d’écrire d’après un thème tout fait ou un programme tracé d’avance, s’est donné la peine de voir, d’examiner, de recueillir les pièces à l’appui de ses idées : telle est l’impression qu’on éprouve en lisant le travail distingué de M. H. Desprez sur les peuples de l’Autriche et de la Turquie, travail aujourd’hui complet, que M. Desprez vient de rassembler en deux volumes, et sur lequel nous n’apprendrons rien à nos lecteurs, en leur rappelant cette justesse de vues, cette impartialité lumineuse, toutes ces qualités d’historien et de critique qu’y a déployées l’ingénieux écrivain. Mais, dans les livres révolutionnaires, nous chercherions en vain, sous le fracas des mots et des métaphores, une idée, un plan, une vue pratique, une solution précise, quelque chose de net et de solide qui puisse nous orienter sur cette mer houleuse où chaque phare est remplacé par un écueil. En vérité, c’est trop monotone ! Espérons que George Sand aura mis plus de variété dans l’Histoire de sa vie : roman pour roman, nous avons tout lieu de penser que son histoire sera plus intéressante que sa politique.

Après avoir constaté combien la démagogie gagne peu à être défendue par ses champions officiels, nous voudrions féliciter la cause monarchique d’une recrue fort inespérée qu’elle vient de faire en pleine Bohême, parmi les plus jeunes et les plus légers fantaisistes. Que ne pouvons-nous proclamer comme un chef-d’œuvre Tristan-le-Roux, roman à grandes prétentions historiques et même politiques de M. Dumas fils ? Ce Tristan-le-Roux fait partie d’un grand travail intitulé les Quatre Restaurations, dans lequel l’auteur de la Dame aux