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Elle apparaït tout d’abord, insurgée contre la tyrannie étrangère. Les chambres de rhétorique, académies pédantesques dans le principe, sont redoutées alors comme des foyers d’opposition politique’ et religieuse et les lettres grandissent avec l’indépendance nationale dont elles ont protégé le berceau.

Le XVIIe siècle fut le grand siècle de la Hollande. Les découvertes, les guerres, les conquêtes qui le remplissent si glorieusement, suscitèrent des voix pour les chanter. Heinsius célébra en vers énergiques Jacques Heemskerk, qui, marin intrépide sur les plages glacées de la Nouvelle-Zemble et victorieux amiral dans les eaux de Gibraltar, se montra tour à tour le Cook et le Nelson de la Hollande. Vondel, le nom le plus classique de la poésie hollandaise, rappelle plutôt une imitation appropriée de la littérature antique et de la littérature française qu’une création nationale. Cependant les meilleures tragédies de Vondel roulent sur des sujets nationaux. L’une a pour héros le fabuleux prince Bato, qui a donné aux Bataves leur nom, ou plutôt qui doit son existence à ce nom, comme le roi Dan au peuple danois, le roi Brut aux Bretons et le roi Francus aux Francs.

Gilbert d’Amstel a pour sujet un événement et des personnages moins anciens. La prophétie de la grandeur future d’Amsterdam dans la dernière scène, l’un des morceaux les plus remarquables de la pièce, achève de lui donner un caractère national. Enfin, la tragédie de Palamède doit son principal intérêt aux allusions qu’elle renferme ; et dont Barneveld, ce grand et malheureux citoyen, est l’objet. Elle fut écrite après que le parti de Maurice eut triomphé, et quand l’inspiration patriotique, forcée de se voiler sous une fable étrangère, était obligée de remonter jusqu’au siège de Troie ; mais l’inimitié politique sut l’y découvrir, et Vondel fut persécuté pour s’être souvenu dans ce sujet grec qu’il était Hollandais.

La république de Hollande, que n’avait pu subjuguer la puissance de Louis XIV, fut envahie par l’imitation des lettres françaises, et dès lors on vit s’effacer le caractère indigène de sa littérature. Ceci dura encore pendant la première partie du XVIIIe siècle ; mais bientôt quelques voix s’élevèrent pour protester contre ce culte servile d’une muse étrangère, en même temps que des chants de victoire célébraient les défaites de la France, les victoires d’Eugène et de Marlborough. Enfin, de la foule des poètes médiocres dont les noms hérissent à cette époque les pages de l’histoire littéraire, on voit sortir un nom qui marque le retour de la poésie hollandaise aux souvenirs et aux sentimens nationaux, et par là son retour à la vie : ce nom est celui des deux frères Van Harem. L’un d’eux, Guillaume, tente une épopée nationale, dont le héros est le père fabuleux de la race frisonne. Malheureusement le poème de Van Harem, jeté dans le moule de l’épopée classique, n’a guère de national que le titre. Du reste, Guillaume Van Harem était un bon