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dont on tolérera même les plus graves dissentimens, comme dans l’affaire de l’intervention en Espagne de 1823 et des mariages espagnols en 1846.



PARLEMENT DE TURIN.


Une grande question a été récemment posée et résolue en Piémont, non sans y avoir produit un vif émoi et une agitation analogue à celle qui fut organisée en France peu de temps avant la révolution de février contre l’Université en faveur de la liberté de l’enseignement,, mais avec cette différence que l’opposition des évêques du parti catholique se fondait chez nous sur les droits sacrés de la conscience et réclamait au nom de la liberté contre un monopole, tandis que la croisade est prêchée dans les états sardes pour le maintien de privilèges incompatibles avec les principes les plus élémentaires de la législation moderne. En-deçà des Alpes, on invoquait le droit commun ; au-delà, on le repousse. N’est-ce pas le cas d’appliquer le mot de Pascal ?

Par une disposition très raisonnable, et qui est une garantie d’ordre et de tranquillité, le statut fondamental de Charles-Albert n’a point fait table rase ; il est venu seulement se superposer aux lois existantes, laissant au zèle de la nation et à la prudence des hommes qui la gouvernent le soin de transformer celles-ci graduellement et d’opérer sans secousse la transition du régime ancien au régime nouveau dont il a préparé les bases. C’est ainsi que le Piémont, pays constitutionnel, se trouvait encore en possession du foro ecclesiastico, du droit d’asile et autres immunités depuis long-temps supprimées dans la plupart des états catholiques, et dont notre âge a quelque peine à concevoir l’existence. Le foro ecclesiastico est la juridiction spéciale exercée par l’évêque en matière civile et criminelle ; le droit d’asile est le même que le clergé au moyen-âge, alors qu’il représentait le droit contre la violence, avait fondé pour suppléer à la protection de la loi absente. Aux yeux de tout homme raisonnable, de telles institutions n’ont plus de sens. C’est néanmoins pour avoir cru que l’heure était venue de porter la main sur cette ruine du passé que le ministère du roi Victor-Emmanuel s’est trouvé en butte aux attaques les plus violentes, et de codino qu’il était hier, passe aujourd’hui pour révolutionnaire, sort commun à tous ceux qui recherchent la raison et la vérité en dehors des passions des partis.

Voici textuellement à quoi se réduit la tentative du gouvernement piémontais. La loi présentée par le ministre de la justice, M. Siccardi, porte que les procès civils entre ecclésiastiques et laïques, et aussi entre ecclésiastiques seuls, seront déférés aux tribunaux civils ordinaires, que les mêmes lois pénales seront applicables aux ecclésiastiques comme aux autres citoyens ; elle abolit en outre le droit d’asile ; tout coupable réfugié dans une église devra être désormais appréhendé et livré à l’autorité, avec les égards dus au ministre du culte et le respect que commande le saint lieu. Enfin, un article septième et dernier charge le gouvernement du roi de présenter au parlement un projet de loi tendant à régler le contrat de mariage dans ses relations avec la loi civile, la forme et les effets dudit contrat.