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et avec plus d’ensemble. D’où vient donc ce résultat si peu en harmonie avec les démonstrations de la veille ?

D’abord chacun s’est dit que qui voulait la fin devait vouloir les moyens, et que la France, ayant dépensé 1,200 millions pour s’assurer la possession de l’Afrique, commettrait aujourd’hui une inconséquence inexcusable en refusant à cette possession les moyens de subsister par la vente de ses produits. Ensuite, on s’est bien vite aperçu, en examinant la chose de près, que le danger était plus apparent que réel. Toutes ces richesses que l’imagination rêve en Algérie n’ont qu’un malheur, elles n’existent pas, et elles n’existeront pas de long-temps. Loin de pouvoir refluer sur les pays voisins, les denrées les plus nécessaires à la vie manquent pour la subsistance de la population algérienne. En ce moment même, quand le blé est en France à 12 francs, il est à 25 fr. à Blidah, au centre même de cette célèbre Métidja qu’on nous présente depuis vingt ans comme sur le point de se couvrir de magnifiques moissons. La viande manque presque autant que le blé ; la laine est à Alger à 1 franc le kilogramme, et quelle laine ! L’huile est à 1 franc le litre, et quelle huile ! En 1.848, l’Algérie a exporté en France pour 150,000 francs de laine et pour 21,000 francs d’huile ; en revanche, elle a importé pour sa consommation des quantités énormes de denrées alimentaires ; l’ensemble de ses exportations a été de 7 millions, et celui de ses importations de 86.

On dit, il est vrai, que l’Afrique ne tardera pas à produire en abondance ce qui lui manque si complètement aujourd’hui, on rappelle qu’elle a été dans d’autres temps le grenier des Romains, on lui promet, pour l’avenir, le magnifique aspect de la huerta de Valence fertilisée par les Maures ; mais le conseil général a sagement pensé qu’il fallait attendre, avant de s’effrayer, que toutes ces merveilles fussent réalisées. Il n’a eu malheureusement que trop raison, et, pour quiconque a étudié sérieusement l’Afrique, nos producteurs ne sont que trop bien défendus contre la concurrence possible de cette colonie. Elle a encore besoin de bien du temps avant de pouvoir se nourrir elle-même, et, si jamais sa production s’accroît, les besoins de sa population s’accroîtront assez en même temps pour rendre toujours l’exportation de ses denrées alimentaires bien difficile. Le résultat immédiat de l’assimilation sera, au contraire, de fournir un débouché considérable aux produits agricoles de la mère-patrie, aujourd’hui surabondans. La conséquence nécessaire de la franchise accordée en France aux produits de l’Afrique est l’établissement du tarif de douanes français à l’entrée des produits étrangers dans la colonie, et cette disposition, en fermant le marché aux produits étrangers, tels que les blés par exemple, le réservera aux produits français. En réalité, l’agriculteur français, qui,