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satisfaction de tous, donne à chacun la plus grande satisfaction possible. Qu’importe qu’on arrive à rédiger cette formule générale pour en déduire ensuite les applications, ou bien qu’on arrive aux applications directement et sans formule ?

Dans l’un et l’autre cas, on obtient le même résultat. Seulement dans le premier, on sait ce qu’on fait et pourquoi on le fait, et, dans le second, on va un peu au hasard, on se décide suivant l’inspiration du moment. Au lieu de proscrire violemment l’économie politique, les producteurs feraient peut-être mieux de l’étudier davantage ; ils verraient combien ces sacrifices que la force des choses leur impose de temps en temps malgré leur résistance, et qui leur coûtent tant, sont en réalité peu regrettables pour leurs intérêts bien entendus ; ils verraient que, loin d’y perdre nécessairement et toujours, ils y gagnent le plus souvent au contraire, et que, tout le monde étant au fond producteur et consommateur à la fois, l’intérêt des producteurs se confond en définitive avec celui des consommateurs. Les agriculteurs, par exemple, ne paraissent pas assez se douter de l’immense avenir que l’emploi de bonnes mesures économiques peut ouvrir devant la production agricole d’un pays comme la France, si favorisé par le ciel pour la variété de ses produits et pour l’intelligente activité de ses habitans. La vérité se fait jour sans doute, mais peu à peu, par suite de combinaisons accidentelles, par des jeux de majorité tandis qu’on aimerait à voir nos producteurs français se rendre compte des causes qui les poussent et les accepter d’intention comme de fait ; mais c’est là de la théorie : hâtons-nous de rentrer dans les faits.

La première question de douanes qui s’est présentée est celle du traitement à accorder en France aux produits de l’Algérie. Le gouvernement proposait d’admettre ces produits en France en franchise de droits, et certes, s’il y eut jamais proposition qui fût en apparence contraire aux intérêts des producteurs français, c’est celle-là. Parmi les produits dont l’entrée en franchise était demandée se trouvaient les animaux vivans, boeufs, chevaux et moutons, les céréales, les laines, les soies, les huiles, les tabacs, etc. Avec les idées généralement répandues sur la fertilité possible de l’Afrique, cette énumération avait quelque chose de formidable. Tous ces produits sont en effet les mêmes que ceux de la mère-patrie, et l’agriculture française, notamment celle du midi de la France, pouvait craindre d’y trouver une concurrence mortelle pour son bétail, ses grains, ses soies et ses huiles, c’est-à-dire pour tout ce qui la fait vivre. On a vu cependant le conseil général, malgré les craintes manifestées par ceux qui se croyaient menacés, donner sans hésitation son approbation au projet de loi. Une assemblée de partisans fanatiques du libre-échange n’aurait pas voté autrement