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de cuivre fournie par Tokat représente une valeur de 3,750,000 à 10,105,000 piastres (environ 811,761 à 2,435,283 francs). Toutefois les frais de production réduisent considérablement le bénéfice obtenu. On s’explique même difficilement l’exiguïté de ce bénéfice, rapprochée de l’étendue et de l’abondance des gîtes cuprifères d’Argana-Madène, les plus riches peut-être du monde entier. Ce vaste nid de pyrites intercalées dans un calcaire de transition n’est encore en effet qu’imparfaitement connu. La partie de ce gîte aujourd’hui exploitée présente en surface une étendue de 6 kilomètres dans la direction de l’ouest à l’est, et ce n’est sans doute qu’une faible portion de cette masse colossale. Quant à la longueur de l’axe vertical du gîte d’Argana-Madène, elle est complètement ignorée ; dans tous les cas, il paraît que la partie centrale du nid est composée de pyrites qui renferment au moins de 30 à 40 pour 100 de cuivre. Malheureusement plusieurs causes paralysent le développement des travaux d’exploitation d’une mine qui aurait pu être pour le gouvernement turc une source intarissable de richesses. Parmi ces causes, il faut placer au premier rang l’organisation vicieuse de l’administration des mines. Privé du concours d’agens éclairés, le gouvernement est forcé d’accepter presque sans contrôle le minerai qui lui est fourni par des entrepreneurs ignorans, auxquels les mines d’Argana-Madène sont affermées. Ce minerai est d’abord soumis à un grillage fort incomplet sur les lieux mêmes de l’extraction, puis transporté à grands frais aux usines de Tokat, où la même opération doit être répétée, faute d’avoir été conduite convenablement à Argana-Madène. Il en résulte naturellement une consommation tout-à-fait inutile de combustible et de temps, et, qui plus est, des frais gratuits de transport, puisque toutes les substances que le prétendu grillage effectué à Argana-Madène aurait dû séparer du cuivre brut envoyé aux usines de Tokat y sont transportées, et cela à dos de mulet et de chameau. L’espace qui est parcouru ainsi avec cet inutile surcroît de poids est de plus de quatre-vingts lieues, ce qui exige au moins dix à quinze jours de marche. En adoptant donc comme moyenne le chiffre de 600,000 kilogrammes pour la masse de cuivre brut qui arrive annuellement d’Argana à Tokat, et qui ne contient que 25 pour 100 de cuivre pur au lieu de 80 à 74 pour 100 qu’elle aurait dû contenir à la suite d’une bonne concentration, on peut admettre que le tiers de cette masse, c’est-à-dire 200,000 kilogrammes, fait chaque année un voyage dispendieux ; or, comme l’usine de Tokat existe depuis dix années environ, la quantité des matières minérales qui y ont été inutilement transportées pendant ce laps de temps atteint le chiffre énorme de 2 millions de kilogrammes, ce qui représente une somme très considérable qu’on peut regarder comme entièrement perdue.

Il est vrai qu’en 1846 le gouvernement turc chargea des ingénieurs