Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/732

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce travail puéril de percemens successifs donne à chaque district minier de l’Anatolie un aspect des plus singuliers ; on y voit des montagnes entières sillonnées de taupinières qui représentent autant de mines. Quant au véritable gisement du minerai, il demeure intact. Lorsque le moment sera venu d’exploiter sérieusement les gîtes métallifères de l’Asie Mineure, il faudra considérer comme non avenus les travaux des mineurs turcs, et reprendre une à une toutes les mines condamnées par ces derniers comme impraticables ou épuisées.

Dans l’élaboration comme -dans l’extraction des métaux, la même ignorance barbare frappe de stérilité les opérations des mineurs turcs. J’ai visité les deux usines principales où s’opère la fonte des minerais extraits des mines d’Alladagh et de Bulgardagh, Bérékétli-Madène et Bulgar-Madène. Bérékétli-Madène est un assez grand bourg où l’on a organisé dix fourneaux, placés au nombre de deux ou trois dans des masures presque sans toit et sans fenêtres[1] ; remplis de boue et de décombres de toute espèce, ces fourneaux ne sont qu’un assemblage informe de grands cailloux juxtaposés sans ciment ; ils se démantibulent et se détraquent constamment, et doivent être reconstruits ou remaniés après chaque opération. Les usines de Bérékétli-Madène fournissent annuellement de 200 à 250 oks de plomb pur (ou du moins censé tel) ; on obtient ordinairement 5 à 700 oks de plomb sur 1,000 batmans[2] de minerai ; mais cette proportion va toujours en diminuant, car il y a cinq ou six ans seulement que 1,000 batmans de minerai donnaient 4,000 oks de plomb.

Bulgar-Madène ne consiste qu’en une vingtaine de cabanes habitées par deux cents ouvriers, tous exclusivement Grecs, employés à l’opération de la fonte du minerai de galène fourni par les mines du Bulgardagh ; cette fonte s’effectue dans trois fourneaux construits sur le modèle des fourneaux de Bérékétli-Madène. La tâche difficile de séparer l’argent d’avec le plomb, confiée à des hommes complètement étrangers aux premières notions de la métallurgie ou de la chimie, ne s’accomplit jamais sans un déficit considérable. L’argent est coulé en plaques de 3 à 5 oks chacune. La galène que l’on fond à Bérékétli-Madène est tellement riche, que, malgré l’imperfection des procédés métallurgiques, on obtient de 2 à 3 drèmes d’argent de chaque ok de minerai (6 à 9 grammes par kilogramme),-ce qui donne un montant annuel de 3 à 500 oks. Les propriétaires des minerais fournis aux mines de Béréketli-Madène reçoivent du gouvernement 32 paras pour chaque drème d’argent, ou environ 30 centimes pour 3 grammes.

Parmi les usines de l’Asie Mineure, il en est une seule à laquelle ne

  1. Nous parlons ici, bien entendu, d’ouvertures servant de fenêtres, car l’usage des vitres est inconnu dans la plus grande partie de l’Asie Mineure.
  2. Le batman renferme 28 oks, et équivaut par conséquent à environ 30 kilogrammes.