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aux besoins de la navigation à vapeur. Le montant de la production annuelle du charbon de terre dans le district compris entre Érégli et Amassera est de 44 millions d’oks ou 56 millions de kilogrammes, et, comme le charbon de ce district est le seul dans toute l’Asie Mineure que l’industrie puisse avantageusement employer, il est permis de considérer ce chiffre comme représentant la totalité de la masse de ce combustible que l’Asie Mineure verse annuellement dans le commerce ; cependant ce contingent est très minime, comparativement à celui que pourrait fournir la contrée, si tous les gîtes de lignite qu’elle renferme étaient réellement exploités.

Sous le rapport du mode d’exploitation des mines et du minerai, on peut dire, sans exagération, que les sciences du mineur et du métallurgiste se trouvent en Asie Mineure, comme dans toute la Turquie, complètement à l’état d’enfance. La manière dont on exploite quelques-unes des mines principales de l’Asie Mineure nous donnera une idée des procédés usités dans toutes les autres mines de la Turquie ; car toutes, sans exception aucune, sont soumises au même mode d’exploitation ; je choisirai pour exemple les mines situées dans les montagnes de l’Alladagh et de Bulgardagh.

Le rempart élevé de l’Alladagh, qui forme l’extrémité orientale du Taurus proprement dit, et qui sépare la Cilicie de la Cappadoce, renferme plusieurs mines situées soit sur le versant oriental du rempart (et parmi lesquelles les mines de Déliktach sont les plus importantes), soit sur le versant occidental, où les dépôts métallifères se trouvent groupés au nombre de neuf dans la proximité du petit village Bogaz-Koi, autrement nommé Eski-Madène. Ce village n’est composé que de cinq à six monceaux de pierres recouvrant autant de petites cavités noires et humides, dans chacune desquelles demeurent, accroupis comme des quadrupèdes, trois ou quatre ouvriers demi-nus. Leur tâche consiste à recueillir le minerai qu’on leur apporte péniblement à dos d’âne des mines de la montagne ; ils disposent le minerai en tas au fur et à mesure qu’ils le reçoivent pendant les quatre ou cinq mois consacrés à ces travaux d’extraction. Les mineurs ne travaillent en effet que durant l’été ; la saison une fois close, tous les minerais accumulés à Bogaz-Koi sont transportés aux usines de Bérékétli-Madène, situées à cinq heures de Bogaz-Koi, où l’on en effectue la fonte. Cette opération se faisait jadis à Bogaz-Koi même ; mais l’incurie des Turcs eut bientôt épuisé toutes les forêts voisines, ce qui les obligea de transférer les usines à Bérékétli-Madène, où probablement on ne tardera point à se trouver à bout de combustible, car la coupe des bois se pratique en Asie Mineure contrairement à tous les principes de l’art forestier, et les plus belles forêts sont menacées d’une ruine plus ou moins prochaine, si ce vandalisme est, durant quelques années encore,