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démonstrations hypocrites de l’assemblée pour protéger la liberté personnelle du chef du pouvoir exécutif, Louis XVI dut renoncer à l’espoir de quitter jamais la demeure fatale d’où il ne sortit plus que pour passer de la prison des Tuileries dans celle du Temple. L’obligation de sanctionner une législation tyrannique avait provoqué un premier appel aux gouvernemens étrangers ; la contrainte qui rendit impossible le voyage de Saint-Cloud en avril 1791 fit naître la première pensée de fuite, essayée le 21 juin suivant. Pour rester convaincu que la violence faite à la conscience de Louis XVI dans cette occasion fut le motif déterminant de la résolution dont l’issue funeste allait précipiter le cours des événemens, il suffit de lire dans les Mémoires de M. de Bouillé la correspondance qui précéda la tentative de retraite à Montmédi, si malheureusement empêchée par l’accident de Varennes.

Varennes fut pour Louis XVI la première étape de la route de l’échafaud. La longue suspension du pouvoir exécutif avait fait germer les idées républicaines dans le peuple des faubourgs, qui, cherchant depuis 89 à séparer sa cause de celle de la bourgeoisie, aperçut tout à coup dans cette forme de gouvernement le gage et la formule de sa suprématie future. Le lendemain de l’arrestation du roi, tous les rôles se trouvèrent changés. Louis XVI ne fut plus considéré par la France et par l’Europe que comme l’ennemi obligé des institutions nouvelles, lors même qu’il s’efforçait avec sincérité de les faire fonctionner. Les cabinets étrangers, qui, jusqu’au jour de sa fuite, n’avaient prêté aux princes réfugiés qu’une oreille peu bienveillante, concertèrent plus étroitement leur action, assurés d’avoir bientôt moins à attaquer la révolution qu’à se défendre contre elle. Pendant que la minorité républicaine profitait pour s’étendre de la stupeur universelle, l’opinion royaliste commençait, de son côté, à organiser une résistance, active contre un mouvement dont le dernier mot venait enfin d’être prononcé ; mais au sein de cette grande opinion, qui embrassait encore à cette époque la presque totalité de la France, toutes les tentatives et tous les efforts étaient paralysés par le désaccord profond qui séparait les classes bourgeoises des anciennes classes privilégiées. Le parti constitutionnel, s’apercevant, quoique bien tard, que la royauté, partie essentielle de l’œuvre politique à laquelle il promettait des destinées éternelles, était sur le point de s’écrouler sous des assauts réitérés, secoua son long sommeil au moment où les derniers supports du trône tombaient à terre ; mais, lorsque la majorité de la constituante tendait à revenir à la monarchie, le terrain lui manquait tout à coup sous les pieds.

Percée à jour pendant deux ans, la monarchie sombrait d’elle-même, car le prisonnier de Varennes était devenu un roi constitutionnel impossible. Comme pour rendre la situation de plus en plus inextricable, les constitutionnels, dont un très grand nombre souhaitaient la sortie