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humaine qui allait se développer dans des proportions gigantesques et soulever bientôt des résistances à la taille de l’attentat lui-même. La foi dans la suprême puissance de l’homme et le goût de l’uniformité mathématique étaient les deux maladies du temps. On avait découpé la France en quatre-vingt-trois divisions départementales subdivisées elles-mêmes en districts géométriquement organisés ; l’élection venait de faire monter les avocats et les procureurs sur les sièges naguère occupés par les membres des cours souveraines : pourquoi le principe auquel la France allait devoir des administrateurs et des magistrats dévoués à la révolution ne pourvoirait-il pas l’église d’évêques et de curés ? Pourquoi ne pas soumettre à des délimitations plus rationnelles les diocèses et les paroisses, puisqu’on avait si bien réussi pour les départemens et les districts ? Si la constitution de la vieille monarchie avait opposé si peu de résistance, serait-il plus difficile de changer celle de la vieille église ? A tout prendre, le pape était moins fort et moins redoutable que n’avait été le roi, car celui-ci était près, et celui-là demeurait loin ; l’un avait d’ailleurs à son service des gardes-du-corps, tandis que l’autre était réduit à fulminer des bulles dont la raison publique saurait désormais faire prompte justice.

À la violente impulsion qui précipitait alors les esprits de l’ordre surnaturel dans un ordre purement humain s’était jointe une autre tendance, moins hostile à l’église et qui pourtant lui fut plus funeste. Puissant encore dans certaines couches de la bourgeoisie, le jansénisme avait entrevu dans cet ébranlement universel de la société l’instant propice pour faire payer à la royauté et à l’église catholique le prix d’une alliance dont il avait si long-temps souffert. Avec une déférence qui deviendra dans l’histoire l’arrêt suprême de sa condamnation, il consentit à frayer les voies à l’incrédulité en en masquant les attaques. Pour approcher la forte citadelle, les hommes de l’Encyclopédie marchèrent à la sape couverts de la défroque de Port-Royal, et comme protégés par les in-folio qu’ils exhumèrent de ses ruines.

Je ne sais rien de plus humiliant à lire dans tout le cours de notre histoire parlementaire que les longs débats qui, à diverses reprises, précédèrent l’émission des décrets du 27 novembre 1790. D’un côté, ce sont des évêques et des prêtres timides qui défendent, la mort dans l’ame, au milieu des railleuses interruptions de leurs collègues et des hurlemens des tribunes, une cause perdue d’avance, sans parvenir même à faire soupçonner à leurs adversaires l’audacieuse portée de l’entreprise qui bientôt les aura précipités du pouvoir. De l’autre, ce sont de grands orateurs, de bruyans tribuns qui s’essaient à parler, le mépris sur les lèvres, un langage qu’ils ont appris la veille et qu’ils auront oublié le lendemain. Des roués font entre deux orgies appel à l’esprit de l’Évangile, invoquent la tradition apostolique, et débitent