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Et pourtant c’était à la cour que continuaient à s’adresser et les votes hostiles, et les mesures de méfiance, et les harangues enflammées ; c’était à l’ancien régime que l’assemblée visait toujours, lorsqu’à la place de cet ennemi terrassé grandissait un autre ennemi qu’elle osait à peine nommer. La lanterne fonctionnait journellement dans Paris ; à Marseille, à Lyon, au Mans, à Toulon, à Caen, à Toulouse, on massacrait les aristocrates et on leur arrachait les entrailles ; pendant que le sang coulait dans les villes, l’incendie des châteaux éclairait les campagnes ; à la place de toutes les forces publiques disparues s’était élevée la double affiliation des jacobins et des cordeliers, dont le réseau enlaçait le territoire ; les journalistes et les orateurs de carrefour appelaient chaque jour le peuple aux armes, adressant à son ignorance et à sa misère d’exécrables conseils et de sinistres tentations : toutes ces horreurs se passaient devant la constituante qu’elles glaçaient d’effroi, mais qui ne conservait pas moins son attitude agressive contre des pouvoirs gisant à terre. On continuait de tenir, après le 6 octobre, le langage du jeu de paume, et l’on se montrait, après la victoire, plus implacable qu’avant le combat.

Bloquée par la populace dans la salle du Manége, à Paris, la majorité se montrait plus exigeante envers la royauté rendue à merci qu’elle ne l’était pendant qu’elle siégeait à Versailles dans la salle des Menus-Plaisirs. C’étaient les mêmes récriminations contre le passé, les mêmes attaques contre les classes alors en butte aux fureurs populaires, la même disposition à dénoncer des machinations et des complots dont on connaissait fort bien toute l’inanité. Pressées par la démagogie qui apparaissait pour la première fois devant elles, les classes moyennes s’obstinaient à nier le péril qu’elles n’avaient pas prévu, et à croire au seul qu’elles fussent préparées à combattre. Elles imputaient à leurs adversaires de la veille tous les progrès que faisaient leurs ennemis du lendemain, et ne savaient d’autres moyens de lutter contre les dangers de l’avenir que de continuer à déployer contre le passé tout l’appareil de leurs colères. Puisant ses inspirations politiques dans ses antipathies plutôt que dans sa prévoyance, la constituante se trouva conduite à fermer les yeux sur la plupart des tentatives factieuses et sur le progrès des idées républicaines, les seules pourtant qui pussent alors menacer son œuvre constitutionnelle. Dans une situation toute nouvelle, elle continuait contre le pouvoir une guerre rétrospective dont les résultats ne pouvaient manquer de tourner promptement contre elle-même.

Irrité de voir son œuvre compromise par les hommes et par les passions dont il avait fait jusqu’alors ses auxiliaires, l’ancien tiers-état persistait à s’en prendre à la cour de déceptions qu’il lui répugnait de confesser. C’était contre les prêtres, dont on préparait l’expropriation,