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faiblesse. Assurer sa propre conservation est le premier devoir d’une assemblée délibérante, et l’on doit reconnaître que, jusqu’au 14juillet, l’assemblée constituante avait lieu de se croire en présence de dangers qu’un instinct impérieux lui commandait d’écarter.

Qu’elle ait donc accueilli avec bonheur une victoire qui assurait la sienne, qu’elle ait applaudi à la chute de la Bastille sous les efforts du peuple, à la défection des gardes françaises, à la formation d’une garde bourgeoise qui lui donnait tout à coup une armée, cela se comprend fort bien, car au lendemain du 14 juillet l’assemblée fut le seul pouvoir debout sur la surface du royaume. L’ancien régime était tombé tout entier avec son plus sombre symbole ; la défection de l’armée, l’armement des faubourgs et la création d’une garde nationale avaient rendu pour l’avenir toute tentative contre-révolutionnaire visiblement impossible. À la facilité même de la victoire, au peu d’efforts qu’elle avait coûtés, on avait pu juger la faiblesse des adversaires de la révolution, et apprécier les chances d’une lutte dont les sentimens démocratiques de plus en plus développés dans l’armée écartaient désormais jusqu’à la pensée. L’on vit se reproduire, sur presque tous les points du royaume, l’exemple terrible que la capitale avait envoyé aux provinces. Cette journée décisive avait paralysé ou détruit toutes les forces de l’ancien gouvernement ; la propagande était maîtresse des régimens, et la flotte suivit bientôt l’armée dans son indiscipline et sa désorganisation. La plupart des tribunaux se fermèrent, et les parlemens, comprenant que l’orage allait bientôt les emporter dans son cours, se drapèrent dans leurs toges vénérées, non pour résister, mais pour mourir. La révolution apparut alors comme quelque chose de si invincible, que la résistance ne s’organisa nulle part et ne fut essayée par personne. Les mécontens quittèrent la cour et le royaume pour mettre leur tête à couvert et point du tout pour s’armer. Ce fut beaucoup plus tard, et par de nouveaux motifs dont nous rechercherons à qui imputer la responsabilité, que l’émigration conçut des projets agressifs et devint un système politique, d’une mesure de sûreté personnelle qu’elle avait été d’abord.

Louis XVI se laissait aller au courant qui emportait la monarchie en ménageant encore sa personne ; son hésitation naturelle le détournait d’engager même une résistance légale contre des idées politiques dont son sens droit lui montrait l’inanité, mais qu’il savait puissantes dans la nation. Ni les derniers mois de 1789, ni le cours entier de l’année 1790 ne virent se former, soit au dedans, soit au dehors, un concert quelque peu sérieux entre les adversaires du régime nouveau. Les décrets les plus hardis de l’assemblée, ceux qui bouleversaient les fortunes en supprimant toutes les redevances féodales, les lois qui transformaient la société de fond en comble et portaient à la vanité les coups les plus sensibles en supprimant les titres, les armoiries, les décorations,