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pays, qui, par la facilité des communications, s’approprie les découvertes, les lumières, même les frivolités de l’ancien monde. La manière dont la littérature de l’Europe se répand aux États-Unis est tout-à-fait nouvelle. » - « Dans les régions à peine défrichées que sillonnent des chemins de fer, de petits enfans colporteurs de journaux, de romans et de pamphlets, stationnent pour attendre les wagons. L’un d’eux, s’élançant sur le marchepied du nôtre, ne cessa pas de crier en se promenant au milieu des voyageurs assis sur leurs banquettes : « Un roman nouveau de Paul le Cocher (Paul de Kock) pour 25 centimes ! le Bulwer français ! Tout le monde en veut ! c’est plus lu que le Juif errant ! » Nous nous trouvions au milieu de la forêt de sapins qui se trouve entre Columbus et Chihaw ; nous faisions quinze milles à l’heure ; l’enfant attendit que la vapeur ralentît un peu sa course, et, au moment précis ou il lui fut possible de s’élancer à terre sans danger, il disparut. »

À travers toutes ces phases de la vie publique ou privée, que nous avons si attentivement parcourues : éducation, politique, entreprises, situation des femmes, religion, passions, débats, nous n’avons pas cessé de retrouver ces trois élémens du passé teutonique et puritain, anglo-saxon et chrétien : — variété, liberté ; tradition. — labeur, énergie, charité ; ces vertus, je suis fâché d’employer un mot usé, font la force et constituent la puissance de l’Amérique actuelle ; par elles ; non par ses arrangemens politiques elle vit et s’élève. Ces derniers n’ont pour but que de la laisser faire, ou plutôt de ne point entraver le développement des forces vives ; s’il y a peu de gouvernement, il y a des caractères. Là où les caractères manquent, il faut un gouvernement.

Telle est l’autorité de l’exemple dans une société ainsi constituée, que les Irlandais eux-mêmes et leur amour du désordre, les Français et leurs habitudes administratives, les Allemands et leur respect séculaire pour la hiérarchie finissent par s’absorber, les enfans du Nord plus facilement que les gens du Midi, dans le courant général de l’antique liberté anglo-saxonne. Ce qu’on appelle « révolution d’Amérique, » - « guerre de l’indépendance américaine, » ce sont paroles convenues, hochets qu’il faut laisser aux rhéteurs. Les colonies anglo-saxonnes, indépendantes dès l’origine, ont attendu le moment favorable pour se déclarer libres ; devenues fortes, elles n’ont plus voulu payer d’impôts à des gens qui ne leur servaient à rien : elles ont eu raison. Dès l’année 1715, elles étaient plus que mûres pour la forme républicaine ; la réalité avait préexisté à l’apparence ; le nom vint après la chose. Mais elles se sont bien gardées de rejeter leurs armes si bien trempées ; voici un demi-siècle qu’aidés du sentiment germanique, joint au sentiment chrétien et au respect anglais pour la loi, les Américains font naître le coton, germer et multiplier le tabac, le maïs, les chemins de fer et