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libérales ; il n’était pas question de la république mazzinienne. La révolution de 1848, en faisant l’expédition de Rome, a semblé contredire ses origines et ses principes ; mais nous l’en félicitons d’autant plus. Ce n’a pas été la France démagogique, de 1848 qui est intervenue en Italie ; ç’a été la France libérale faisant, en 1849, à Rome contre la démagogie grossière et fanatique ce qu’elle faisait, en 1831, à Ancône pour le libéralisme modéré et régulier, et changeant de route pour ne pas changer de but.

Nous nous applaudissons donc que la France libérale ait assisté à Rome à la rentrée solennelle du pape. Cela veut-il dire que nous souhaitons que le gouvernement du pape devienne du premier coup un gouvernement tout-à-fait libéral, et que Pie IX se replace sur la pente où il a glissé si malheureusement en 1848 ? — Non, certes.

La restauration de la papauté est une des plus importantes questions de notre siècle. Personne ne peut penser que la papauté puisse reprendre purement et simplement l’attitude qu’elle avait sous Léon XII ou sous Grégoire XVI. Elle ne peut pas non plus reprendre les allures des deux premières années de Pie IX. Que faire donc ?

Nous lisions dernièrement à ce sujet quelques réflexions piquantes dans un livre fort curieux et fort spirituel, les Lettres de : Beauséant, imprimées à Genève, mais qui n’ont rien du style et du caractère genevois. L’auteur de ces lettres vit dans la solitude, on le voit bien, car il ne fait de concessions à personne, à aucune idée et à aucune doctrine ; il va en tout au bout, de sa pensée, ce qui fait qu’il aboutit souvent à la raison, mais souvent aussi à l’impossible ou à l’impraticable. Homme d’esprit, il vise à l’attention de ses lecteurs choisis plutôt qu’à la grande publicité, et il est difficile en effet, de le lire sans tenir grand compte de ses jugemens, même quand ils nous choquent. Ainsi pour en revenir à la question de la papauté, l’écrivain de Beauséant censurait vivement, dès 1847, la conduite de Pie IX. Ennemi déclaré de tout ce qui s’appelle le libéralisme, nourri et élevé, on pourrait le croire, à l’école de Joseph de Maistre, il déteste toutes les révolutions, les vieilles et les nouvelles, celle de 1789 comme de 1848, ne pardonnant même pas à la révolution américaine, professant hautement l’opinion que c’est en vain « qu’on essaie de prendre du libéralisme à petite doses, et que les modérés sont surtout bons à ouvrir, sans le savoir et sans le vouloir, la porte aux exaltés révolutionnaires. » (Lettre du 12 août 1849.) Dieu sait ce qu’avec de telles opinions l’auteur des Lettres de Beauséant pense et dit du libéralisme du pape Pie IX, « qui semble, dit-il vouloir entraîner le catholicisme hors de sa sublime voie, dans les voies de la politique, et de la plus déplorable des politiques, cette politique, saugrenue et révolutionnaire des Montalembert (nous citons textuellement et sans adhésion), des Lamennais jadis et du Gioberti, qui chante les psaumes sur l’air de la Marseillaise, ou, pour mieux dire, la Marseillaise sur l’air des psaumes, pauvre politique qui fraie scrupuleusement les voies à celle qui chante la Marseillaise sans psaumes du tout ! . » (Lettre du 15 novembre 1847.) Plus loin, nous trouvons encore ces réflexions curieuses à lire après 1848, parce qu’elles ont été écrites au mois de novembre 1847 : « Hélas ! le libéralisme domine le monde presque en entier… Il a tout envahi, pénétré, transformé, jusqu’à ses ennemis naturels L’ancien légitimisme de France, par exemple, s’est fait radical, moitié