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légitimistes de l’assemblée constituante se prêtèrent, en haine de la révolution et de Paris, et les montagnards par l’invincible penchant qui les condamne aux solutions anarchiques, les liens qui forment la hiérarchie des pouvoirs sont détendus ou brisés. Les maires, la plupart du temps, se jettent dans une indépendance sauvage : ils refusent, tantôt ouvertement et tantôt par une résistance passive, d’exécuter les instructions des préfets et d’obéir à la loi.

Convient-il de faire un pas de plus dans le chaos ? On a décentralisé l’autorité ; faut-il retirer aux intérêts administratifs des localités la tutelle et le concours de l’administration centrale ? Nous avons ramené, par le travail des siècles et par la puissance des révolutions, les provinces de l’ancienne monarchie, ces débris et ces témoignages du régime féodal, à la grande unité d’une nation désormais homogène. Est-ce pour reconstituer, après soixante ans d’une existence commune, sous le nom et dans les limites de chaque département, autant de provinces diminuées, s’administrant et se gouvernant elles-mêmes, votant leurs impôts, nommant leurs magistrats, ne rendant compte à personne, et parquant dans la famille communale ou cantonnale l’expansion naturelle de l’esprit public ? Évidemment cette folie répugne au bon sens comme aux traditions du pays, et, si on la commettait, elle ne serait pas durable.

La seule réforme désirable et possible consiste à reporter du ministre aux préfets la décision de ces affaires communales sans importance qui encombrent inutilement de leurs détails les bureaux des administrations centrales, et qui s’égarent dans des lenteurs ainsi que dans des formalités sans fin. Pourquoi s’adresserait-on à Paris pour être autorisé à réparer un presbytère, à badigeonner un clocher, ou à vendre les fruits d’une propriété communale ? Cette simplification paraît surtout profitable en matière de travaux publics ; mais il ne faut pas en attendre une économie sérieuse dans les dépenses. L’étude des petites affaires s’arrêtera dans les bureaux de la préfecture : elle soulagera deux ou trois ministres d’une minutieuse correspondance ; elle leur épargnera quelques employés. Quant à l’économie d’argent, elle ne vaudra pas que l’on en parle.

Au point de vue des finances locales, une émancipation plus complète des communes et des départemens les conduirait promptement à leur ruine. Le désordre financier y est déjà grand malgré le frein que le gouvernement et les assemblées leur opposent. Les départemens et les communes ont abusé des centimes additionnels, à ce point que la propriété foncière se trouve quelquefois grevée par l’impôt local d’un poids aussi lourd et plus lourd que celui de l’impôt levé au profit de l’état. La moyenne des centimes additionnels, tant ordinaires qu’extraordinaires, s’élève aujourd’hui à ! 48. De 1832 à 1849, en seize années,