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La novice leva les yeux vers le ciel.

— Pas pour toujours ! répondit-elle.

— Silence, Herbert, maintenant silence ! s’écria Guillaume, Laissons cette jeune fille en paix ; que la volonté de Dieu soit faite !… Inclinons nos têtes. O ma chère Christine, tes courtes années ont été cruellement éprouvées ! On dirait que Dieu n’avait pas voulu que tu vinsses sur cette terre, qu’il ne t’y avait pas marqué ta place, et qu’il te rappelle à lui pour ne pas t’y laisser…. Quand tous nous t’abandonnions, Dieu seul est venu vers toi ; son amour n’est pas de ceux qui passent. Que Dieu te garde donc !… et fasse sa miséricorde qu’il ne te veuille pas plus près de lui encore !… Adieu. Christine, rentre en paix dans ta sainte demeure, et prie pour nous, ma fille…

Quelques jours après, les portes du couvent s’ouvraient pour recevoir la sœur Marthe-Marie, et cette fois elles devaient se refermer sur elle pour toujours.

La novice se soutenait à peine en traversant les galeries du cloître ; elle alla se prosterner sur les marches de l’autel. La supérieure vint encore auprès d’elle à ce moment suprême.

— O ma mère ! s’écria Christine, qui retrouvait des larmes et pleurait comme aux jours de son enfance, je l’ai revu et je l’ai quitté !… . — Me voici ! Seigneur, me voici ! Fidèle à mes promesses, j’attends la couronne qui me consacrera comme votre épouse. Votre voix maintenant est la seule qui frappera mes oreilles ; je viens chanter vos louanges, prier et vous servir jusqu’à la fin de ma vie…. Ma mère, faites préparer la robe de bure, la couronne blanche, la croix d’argent que le prêtre doit me donner au nom du Christ, je suis prête.

— Ma fille, répondit la supérieure, vous êtes bien malade, bien épuisée de tant de secousses ; ne voulez-vous pas retarder la cérémonie de votre profession ?

— Non. ma mère ! non, ne retardez pas, car je veux mourir l’épouse du Seigneur … et le temps presse ! répondit la sœur Marthe-Marie.