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Je gémis, je suis triste, et mon ame soupire.
Je veux partir !
C’est un autre pays qu’elle appelle et désire ;
Je veux partir !

Mais le monde est bien grand, moi je suis bien petite,
Pourquoi partir ?
Le sapin sous le vent se balance et s’agite.
Pourquoi partir ?

J’ai besoin du soleil comme les hirondelles.
Je veux partir !
Je chercherai des fleurs aux couleurs éternelles,
Je veux partir !

On s’aveugle en suivant un rayon de lumière ;
Pourquoi partir ?
Mon cœur n’est-il pas né dans ce coin de la terre ?
Pourquoi partir ?

Mon ame est comme un arbre agité par l’orage.
Je veux partir !
Il s’incline et ses fleurs tombent sur le rivage ;
Je veux partir !

La fleur doit croître en paix dans un étroit espace ;
Pourquoi partir ?
Les pieds qui vont trop loin ne laissent nulle trace ;
Pourquoi partir ?

Vers vous, rians pays de la belle espérance,
Pourquoi partir ?
Vous fuyez à mesure, hélas ! que l’on avance ;
Pourquoi partir ?

Le bonheur dit toujours : « Je suis plus loin encore !
Pourquoi partir ?
En vain le voyageur court vers lui chaque aurore ;
Pourquoi partir ?

Quitter son doux pays est chose triste et folle ;
Pourquoi partir ?
Il faut qu’au même lieu l’ame naisse et s’envole ;
Pourquoi partir ?

Du toit de ma maison mon cœur veut aimer l’ombre ;
Pourquoi partir ?
Qu’au gré du ciel, le jour soit radieux ou sombre !…
Pourquoi partir ?

Cette voix qui disait de rester pénétra tristement jusqu’au fond de l’ame de Christine. Quelques larmes tombèrent et mouillèrent son ouvrage. Elle regarda ses sœurs. Wilhelmine avait fini par s’endormir,