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Toutefois, si l’on sonde avec fermeté les causes de l’affaiblissement progressif du gouvernement du roi Louis-Philippe, on n’en découvrira pas de plus puissante que l’excès de ses condescendances pour le régime parlementaire et l’abandon fait à la chambre des députés des influences que le bien du pays commandait à la couronne de garder. Ce prince a souvent été accusé d’avoir prétendu faire au pouvoir exécutif une trop grande part dans le gouvernement. Plût à Dieu, pour nous et pour lui, qu’il eût mérité ce reproche ! La France comprend mal, elle l’a surabondamment prouvé depuis 1789, la fiction constitutionnelle de l’irresponsabilité du souverain, et elle admet, j’ai presque dit elle exige qu’il exerce un pouvoir correspondant aux obligations qu’elle lui impose ; d’un autre côté, la société française, maladroite à se défendre elle-même, attend toujours du gouvernement une direction, mais n’hésite jamais à la suivre. Ces dispositions de l’esprit public se manifestent dans tous les événemens de nos révolutions et si, saisissant mieux la nature et l’étendue des devoirs que le caractère de la nation impose chez nous au chef de l’état, le roi Louis-Philippe eût appliqué plus fortement aux affaires publiques la rectitude de son esprit et l’énergie patiente de sa volonté, s’il eût été plus jaloux de l’exercice de son métier de roi, il eût sauvé sa couronne et l’avenir de la patrie. Au lieu de cela, le gouvernement et l’administration même étaient descendus sur les bancs et dans les couloirs de la chambre des députés ; rien ne s’obtenait que par ses membres. Les ministres, par l’entraînement des relations, par la nature même du talent des plus brillans d’entre eux, s’étaient accoutumés à voir le pays tout entier dans l’étroite enceinte du Palais-Bourbon ; pourvu qu’ils s’y sentissent soutenus, le reste leur importait peu : ces dix-huit années les ont vus triomphans ou découragés, suivant qu’ils avaient fait une bonne ou une mauvaise séance. Envahis par les importunités des députés de tous les partis sans exception, ils étaient à peine accessibles à leurs agens les plus élevés ; absorbés par les exigences de la tribune, il ne leur restait plus de temps à donner à d’autres affaires. L’abus des influences parlementaires est d’autant plus malfaisant que, si les assemblées représentent le pays quand elles votent, elles se divisent pour solliciter en individualités qui représentent toute autre chose que l’intérêt général ; il énervait les services publics en y propageant l’opinion que le travail et le mérite étaient peu de chose, auprès du patronage ; la tiédeur, la défiance, l’incertitude à tous les degrés de la hiérarchie, symptômes funestes de décadence, se montraient dans le gouvernement ; la direction politique échappait au pouvoir, témoin la multitude des recrues que le département de l’instruction publique, par exemple, élevait pour la démagogie ; le ministère ne distinguait pas, au-dessous des quatre cent cinquante personnes qu’il appelait le pays légal, un autre pays qui, inquiet et désaffectionné,