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dilettante ; les événemens de l’Autriche semblent lui avoir donné une physionomie. Il avait charmé l’ancienne société viennoise par la facile élégance de ses vers ; on dirait qu’il s’efforce aujourd’hui de faire l’éducation de la Vienne nouvelle. Cette ville était passée brusquement de l’apathie politique aux folies révolutionnaires ; elle en a été punie par une répression violente il s’agit pour les publicistes de la défendre surtout contre son propre découragement, de l’accoutumer aux devoirs sérieux de la liberté et d’entretenir ses espérances. M. Bauernfeld, dans ses comédies et ailleurs, n’oublie jamais de s’adresser à cette société viennoise et de la conseiller dans le meilleur langage. Il le faisait dernièrement encore à propos de la mort du musicien Strauss, de ce célèbre compositeur de valses, qui a été pendant long-temps le maître de cette ville sensuelle et de ce monde enivré de plaisirs. « Avec Strauss, disait-il, la Vienne d’autrefois est décidément morte, » et il ajoutait « La vie est une danse, — une danse militaire parfois, — une danse des morts souvent, — bien rarement une danse de caractère. — O Vienne d’autrefois ! la vie pour toi a été une valse, — qui bientôt, dans son mouvement éperdu, — est devenue une danse de Saint-Gui. — Et maintenant te voilà à terre, épuisée ! » Et continuant sur ce thème ses variations gracieuses, il indique à Vienne la nouvelle danse qui lui convient. Plus de ces valses effrénées où la folie du plaisir engourdit les esprits ; sa danse désormais sera mesurée et décente, comme il sied à un monde affranchi, à un peuple qui veut rester maître de lui-même ; qu’il prenne garde surtout de ne pas écraser en dansant ces jeunes semences de la liberté ! Ces sages conseils sous une forme frivole, ce mélange de sérieux et d’insouciance, cette larme qui se dérobe tandis que les lèvres sourient, tout cela compose une poésie bien appropriée à l’esprit viennois, et, je le répète, on voit de plus en plus sous ce dilettantisme aimable une originalité vraie qui se dessine.

M. Bauernfeld n’est pas le seul poète autrichien qui ait cherché des inspirations dans les événemens de l’Allemagne révolutionnaire. Un écrivain qui appartenait avant 1848 au groupe des chanteurs démocratiques, un des émules de M. Herwegh, M. Maurice Hartmann, publie en ce moment même une chronique en vers sur les deux années qui viennent de s’écouler. C’est M. Hartmann qui appelle son œuvre une chronique rimée, — Chronique rimée du curé Mauritius, — et vraiment, si la seconde partie de son titre n’est pas facile à comprendre, la première n’est que trop bien justifiée ; sur ce point, à coup sûr, la plus indulgente critique ne le contredira pas. M. Hartmann, il y a quelques années, avait donné d’assez heureuses espérances ; il y avait comme une fleur dans ce jeune talent, fleur légère, parfums trop fugitifs, étouffés aujourd’hui sous les déclamations et les trivialités de l’esprit démagogique. La Chronique de M. Hartmann va de l’église Saint-Paul