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toute chose, c’est le bruit de la foule, l’attitude des députés, le mouvement extérieur de ces tumultueuses séances. Ne lui demandez pas une histoire des délibérations, une étude attentive des partis et des doctrines : vous avez affaire à un touriste, à un dramaturge superficiel et étincelant. Les entrées, les sorties, les costumes, la mise en scène, tout cela est le triomphe de M. Laube. Là même où il essaie de reproduire la marche politique de l’assemblée, il écrit une chronique bien plutôt qu’une histoire. Une fois ce genre admis, on ne refusera pas à l’écrivain un très vif esprit et une plume fort habilement exercée. Son livre est une suite de dramatiques incidens qui se déroulent avec prestesse devant les yeux amusés du lecteur, une galerie de portraits où brille toujours, non pas la ressemblance des modèles, mais l’esprit, la verve, l’élégante facilité de l’artiste. L’ouvrage de M. Henri Laube a eu tout le succès que désirait l’auteur ; il s’était donné la tâche de faire assister le public lettré à cette assemblée nationale, foyer de tant d’espoirs si tôt détruits et objet d’une curiosité si ardente ; il a atteint son but, et tous les lecteurs de Vienne, de Leipzig, de Berlin, ont suivi avec plaisir l’ingénieux cicérone dans ses visites à l’église Saint-Paul. D’ailleurs, bien que la politique ne fût pour lui qu’un accessoire, M. Laube représentait l’opinion la plus répandue alors en Allemagne ; ses sympathies étaient acquises aux doctrines et aux députés du centre. Le centre à l’église Saint-Paul voulait l’omnipotence du parlement et repoussait l’esprit républicain. Rejeter la république comme impossible dans la situation présente des esprits, et, d’un autre côté, mettre en suspicion les monarchies constitutionnelles en refusant de se concerter avec elles pour l’établissement de l’unité allemande, ce fut la prétention vraiment incompréhensible de la majorité du parlement. Ni république, ni monarchie, que devait être l’Allemagne sous le régime de l’assemblée de Francfort ? Sa situation, il faut le reconnaître, avait ce je ne sais quoi d’original qui plaît tant à l’orgueil des teutomanes. Il est certain qu’en agissant ainsi, l’Allemagne ne copiait pas la France ; cette seule idée suffisait pour allumer son enthousiasme, et elle entonna des chants de triomphe quand elle vit ses érudits, transformés en hommes d’état, conduire sa révolution par des voies si nouvelles. Le livre de M. Henri Laube exprime avec candeur l’opinion de cette majorité, qui, sans comprendre très nettement les systèmes de ses chefs, était flattée néanmoins du rôle vague, indécis, mais extraordinaire, qu’on lui assignait pour ses débuts.

Le centre a eu de nombreux organes parmi les députés même qui siégeaient à Francfort ; je citerai, entre beaucoup d’autres, les Souvenirs de Saint-Paul, de M. Biedermann, qui contiennent d’assez curieux documens sur les transformations intérieures de son parti. M. Robert Haym a été le rapporteur grave et consciencieux des délibérations du