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hurlemens. Tels ces habitans barbares des Alpes qui supportent l’effort des vents et des orages déchaînés sur ces monts, si tout à coup une armée romaine, avec ses armes étincelantes, apparaît dans leurs retraites, alors, avançant timidement la tête du fond de leurs cavernes et bientôt se dispersant sur les montagnes, on les voit s’asseoir sur quelques roches escarpées, et de là, immobiles d’effroi, contempler les bandes guerrières qui marchent au fond des défilés[1]. »

Outre sa Christiade, Vida a fait aussi des hymnes consacrés à Dieu, à Jésus-Christ, au Saint-Esprit, à la Vierge, aux principaux apôtres, et ces hymnes, qui ne sont pas, il est vrai destinés à être chantés dans l’église, ne sont guère plus chrétiens de forme et d’expression que son poème épique. Ce sont des hymnes faits à l’imitation de ceux d’Homère et de Callimaque. Seulement Callimaque recherchait avec une sorte de curiosité d’antiquaire les légendes mythologiques. Vida, au contraire, fuit avec soin les légendes chrétiennes. Il est d’une piété trop éclairée pour les admettre comme chrétien, et d’un goût trop sévère pour les chanter comme poète. Dans ses hymnes, il est un peu théologien, mais du côté où la théologie touche à la philosophie[2], et surtout il tâche d’exprimer en beau style les mystères de la trinité et de l’incarnation. Il se félicite, en commençant, d’avoir réconcilié le Parnasse avec le Calvaire ; il croit même, singulière illusion, avoir créé la poésie chrétienne, au moment où il la défigurait par l’étrange confusion de son style[3].

La philosophie platonicienne et le beau langage ont failli détruire la poésie chrétienne en Italie au XVe siècle, et, s’ils n’ont pas tout-à-fait arrêté l’essor de cette poésie, ils l’ont au moins beaucoup contrarié. La renaissance a donné à la littérature moderne un esprit païen qui y est

  1.  Ut vero in modiis Divum penetralibus hostes
    Videre, et faciem invisam agnovere per umbras,
    Ardentem radiis ac mira luce coruscam,
    Protinus aspectu subito terrentur, et imas
    Conjiciunt sese in latebras, linguaque remulcent
    Commissas utero caudas, stratique tremendum
    Nequicquam umbrosis in speluncis ulularunt.

  2. Je citerai quelques-uns de ces vers, moitié théologiques et moitié philosophiques. Ainsi, quand il essaie de définir Dieu :

    Quidquid es o, seu vis, seu mens, seu spiritus ille
    Qui mare, qui terras, qui coelum numine comples ;
    Tu tibi principium, tibimet tu terminus ipse,
    Incipis abs te, si incipis ; in te desinis ipsum.

  3. <poem>Carmina enim mutanda ; novo nunc ore canendum ; Jamque alias sylvas, alios accedere fontes Edico.<poem>