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des embarras parlementaires du gouvernement pour lui imposer leurs idées mesquines, leurs petites passions et leur sot esprit de caste. Elles se mettaient à peu près systématiquement en travers de tout ce qui était de nature à donner quelque relief aux classes populaires. Toute chose qui eût tendu à élever la position de celles-ci était signalée par cette poignée d’égoïstes et de peureux comme un acheminement à un nouveau 1793. Quiconque nourrissait quelque projet d’amélioration populaire leur était suspect et était dénoncé comme un révolutionnaire ; je sais là-dessus quelques traits assez curieux. L’apathie, l’absence d’initiative et de prévoyance dont, pour le malheur de la patrie, est affectée la masse des classes moyennes aussitôt que les temps sont calmes ou semblent l’être, donnait beau jeu à ces médiocrités retardataires. Il en est résulté que si les classes ouvrières ont pris part au mouvement d’amélioration qu’a éprouvé la France de 1833 à 1848, le plus souvent ce n’a pas été en vertu d’une sollicitude spéciale dont elles fussent l’objet de la part des pouvoirs dominans, c’était seulement en vertu de l’action générale qu’exerçaient les principes de 1789, tels qu’ils étaient formulés dans les lois. Après une révolution comme celle de 1830, qui, accomplie par le bras populaire, à la face d’une armée pleine de bravoure et de discipline, avait révélé aux classes ouvrières toute l’étendue de leur force, éveillé en elles de très grandes espérances, de très grandes prétentions, la prudence la plus vulgaire commandait d’adopter, en faveur des ouvriers, toutes les mesures d’amélioration qui seraient à la fois conformes aux principes fondamentaux des sociétés et compatibles avec l’état des mœurs et les nécessités publiques. Il eût été sage d’initier peu à peu l’élite des ouvriers à la vie politique, dont on pouvait prévoir qu’à la première occasion les masses forceraient l’entrée, et pour cette initiation même on avait quelques occasions, exemptes de péril ; j’en signalerai bientôt un exemple. Ces satisfactions diverses auraient eu un grand effet ; mais il était écrit que la fausse sagesse des coteries à courte vue auxquelles j’ai fait allusion devait prévaloir !

Citons des faits précis. Il y a un vaste programme d’amélioration populaire qui se résume nettement en ces simples paroles : la vie à bon marché, et dont la réalisation implique la refonte d’un certain nombre de lois fiscales et commerciales. Le beau idéal de ce programme peut se voir aujourd’hui, à peu de chose près, complet en Angleterre. Il y a été réalisé par une série de réformes législatives depuis 1824 jusqu’à ce jour, mais surtout depuis 1842. Tout ce que la loi pouvait afin que le pauvre eût à bas prix les articles de première nécessité, alimens, vêtemens, combustibles, le législateur anglais l’a voté sur la proposition du gouvernement. Les réformes de ce genre, pour s’accomplir avec succès sans qu’aucun intérêt considérable en soit compromis,