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de la grande erreur des quiétistes, d’un souverain mépris pour les choses de ce monde et pour la tâche que Dieu y a donnée aux hommes. Lors du complot des quinto-monarchiens (1660), une ordonnance royale défendit aux quakers et aux anabaptistes de tenir aucune assemblée, et, par suite de ce décret, les Amis virent leurs réunions brutalement dispersées par la force armée, leurs personnes outragées par la populace, leurs maisons livrées au pillage. À Bristol, 190 d’entre eux furent jetés en prison. Dans le comté de Lancastre, les emprisonnemens s’élevèrent à 270 ; dans le Yorkshire, à 355 ; dans le Westmoreland, à 116. On sait comment, sous Charles II, la politique du parlement et de la couronne fut alternativement dominée par le désir de rétablir une religion d’état et par celui d’émanciper les consciences. L’ordonnance lancée contre les quakers n’avait été qu’un premier pas vers le rétablissement d’une orthodoxie obligatoire. Quand ils se furent justifiés de toute intention de complot, on exhuma contre eux les vieilles lois d’Élisabeth et de Jacques, qui punissaient de lourdes amendes et d’autres peines quiconque négligeait d’assister le dimanche au service de sa paroisse, ou refusait de prêter les sermens de suprématie et d’allégeance. En 1662, quatre mille deux cents membres de la Société des Amis encombraient les cachots. Les prétextes seuls variaient. L’acte contre les conciliabules (conventicle act) s’appesantit sur eux plus lourdement que sur tous les autres dissidens et mit à la disposition des juges un nouveau genre de vengeance. La déportation étant la punition fixée en cas de seconde récidive, on se bornait à infliger quelques jours de prison aux contrevenans lors de leurs deux premières arrestations, et de la sorte on était sûr d’arriver plus vite à une sentence d’exil, car rien ne pouvait les détourner de s’assembler pour prier ; d’ailleurs, une visite faite à un malade était qualifiée de conciliabule. Les juges s’inquiétaient peu de la loi, et plusieurs fois des jurés furent frappés d’amende pour avoir prononcé des acquittemens.

Dans les dernières années du règne de Charles II, les souffrances des malheureux quakers ne firent qu’augmenter. À diverses reprises, il est vrai, le roi se montra personnellement favorable à leurs requêtes, et ordonna même l’élargissement de quelques Amis ; mais aux captifs délivrés d’autres succédaient bientôt. En 1683, il n’y en avait pas moins de sept cents dans les diverses maisons de force. Des documens de la même année portent à 16,400 livres sterling les sommes enlevées aux Amis en vertu du seul statut d’Élisabeth, qui défendait, sous peine de 20 livres d’amende par mois, de s’absenter des offices. Qu’on juge par là de ce que leur coûta l’invincible obstination qu’ils mettaient à ne point acquitter les dîmes. Pour une dette de 15 livres, le montant des saisies et frais de procédure s’éleva dans un cas jusqu’à 800 livres La justice ne se bornait pas à faire vendre les marchandises