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guère que répondre, car enfin nous reconnaissons que, dans la république telle que l’entendent nos adversaires (quand il ne sont plus au pouvoir, mais non pas dans ; la république telle qu’ils la pratiquent quand ils règnent), nous reconnaissons que des frais de représentation ne sont pas nécessaires. Dès qu’ils ne sont plus à table, nos adversaires trouvent que le brouet noir a bonne grace sur la table du président de la république. Soit ! laissons-les donc dire à leur aise que le grand train que nous imposons au président est quelque chose de contraire aux mœurs républicaines, qu’une liste civile, même de 3 millions, a quelque chose qui sent la monarchie, et qui en indique le regret ou l’espérance. Soit ! En parlant ainsi, ils contredisent le sens général du pays, ils ne contredisent pas leur logique ; mais nous, de bonne foi, de pareilles objections sont-elles de mise dans notre bouche ? Vous trouvez qu’une liste civile a quelque chose de quasi-monarchique, nous l’accordons ; mais en quoi cela vous choque-t-il ? Quant à nous, si nous n’étions pas décidés à renfermer exactement, nos pensées dans le cercle de la constitution, c’est-à-dire dans le cercle du présent, si nous étions du nombre de ceux qui veulent le rétablissement de la monarchie avant l’heure et à tout prix, nous vous dirions que la meilleure manière de revenir à la monarchie, c’est de rétablir d’abord des institutions monarchiques ; nous vous dirions que, par une pente inévitable, tout ce qui sera fait au profit d’une quasi-monarchie profitera à la monarchie, et même nous irions plus loin, car nous serions tentés de croire que tout ce qui profitera à la monarchie profitera à la maison de Bourbon, qui est l’expression la plus générale de la monarchie en France, de telle sorte que, dans ces hypothèses de logique que nous construisons par pure fantaisie, la quasi-monarchie, la monarchie, la maison de Bourbon, et même, si vous voulez, la légitimité seraient les quatre étapes de la même route, les quatre degrés de la même échelle ; et, dans cet ordre de suppositions, nous ne concevrions guère, en vérité, la répugnance des amis de la monarchie qui ne voudraient pas mettre le pied sur le premier échelon, parce qu’ils ne peuvent pas aussitôt atteindre au dernier, gens bizarres assurément, qui ne veulent pas partir, parce qu’ils ne peuvent pas être arrivés dès la première minute du départ.

Sortons du cercle de la logique, qui est le cercle de la chimère, et rentrons dans celui des faits. En quoi un président de la république, quasi-roi (je me sers de vos expressions), peut-il vous déplaire ? Cela vous fait une république plus analogue à vos goûts, à vos mœurs, à votre histoire. Quel mal y voyez-vous ? A moins que vous ne soyez de l’opinion de M. de Larochejaquelein, à qui il faut toute la république ou toute la monarchie, et pour lequel il n’y a jamais assez de république quand il est républicain, ni assez de royauté quand il est royaliste. Cela, je l’avoue, fait un argument de conversation et de discours, mais cela ne fait pas une grande unité de conduite, car il y a dans ce dilemme un assez bon fonds d’indifférence, et l’on est à son aise de cette manière pour être républicain ou royaliste selon les temps. Quant à ceux au contraire qui ne s’établissent pas commodément dans ce dilemme, comme le rat de La Fontaine dans son fromage de Hollande, quant à ceux qui, se trouvant républicains sans le vouloir, préfèrent par conséquent le moins de république possible, ceux-là ne s’effraieront pas de la quasi-monarchie qui va commencer, dit-on, dès que la chambre aura voté 2,50 mille francs par mois au président de la république.