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humaines en étaient la cause. Tous, dans la pratique, ont déclaré que la première chose à faire était de tout briser, de tout déblayer, pour préparer l’avènement du Christ ou le règne des principes éternels. Entre Fox et les autres rêveurs, il y avait une importante différence, cela est certain : il repoussait l’emploi de toute violence, de toute force matérielle, et cela seul le place très haut pour nous ; mais après tout que faisait-il, sinon démolir, par la parole, supprimer tout enseignement, prêcher l’abolition des rites, des cérémonies et du sacerdoce ? Parce que des ministres parfaits devaient être des inspirés de l’esprit saint, il condamnait les universités et toutes les combinaisons mises en usage pour empêcher les grossières ignorances d’égarer les masses ; parce que des chrétiens parfaits devaient adorer Dieu en esprit, il abrogeait les sacremens et tous les autres moyens de dévotion nécessités par l’imperfection humaine, qui ne permet d’arriver à l’ame que par des signes, des emblèmes extérieurs. Lui Fox, il savait infailliblement que la voix qu’il avait entendue était celle d’un oracle permanent, d’un Christ mystérieux que chacun portait au fond de son cœur. Lui Fox, il savait infailliblement que cet oracle ne pouvait jamais tromper personne, et qu’il suffisait de s’y abandonner pour s’élever à la pureté d’Adam avant son péché, bien plus « à la haute stature de la perfection infinie du Christ. » En conséquence, pour diviniser l’humanité entière, il s’agissait seulement d’émanciper l’homme de toute obligation, de toute règle, de toute convention sociale.

Ce n’était pas une idée nouvelle que cette croyance en une révélation immédiate, et bien avant Luther, qui, dans son Traité sur la liberté du chrétien, était allé tout aussi loin que Fox, elle avait souvent remué le monde, en marquant chaque fois son passage par d’assez tristes résultats. Barclay s’applique à prouver par des extraits que les principaux pères de l’église primitive avaient tous présenté Christ comme pouvant seul instruire et diriger. Barclay eût pu aussi bien dire qu’il y avait eu des quakers de tous les temps et dans toutes les branches de l’activité humaine, en philosophie et en politique comme en théologie. De même que les sociétés n’avaient trouvé qu’un moyen d’ordre, de même les adversaires de l’ordre établi n’avaient trouvé qu’un moyen de progrès. Les choses s’étaient passées partout à peu près de la même manière. Pour se garder contre les écarts des tendances individuelles, les communautés, ai-je dit, décrétaient une règle ou statut destiné à fixer pour tous le vrai ou le juste ; puis, avec le temps, la règle, qui d’abord n’avait fait qu’ériger en vérité et en justice éternelles les idées que les intelligens du moment se formaient de la réalité et de l’ordre, finissait toujours par ne plus être en harmonie avec la raison et la conscience générale. Un jour venait où des individus, plus dominés que d’autres par leurs impressions, se révoltaient