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pour se dégager de toute solidarité avec les personnages compromis, les lâches ne firent-ils pas ce jour-là le calcul que d’autres avaient fait en lui en livrant une ?

Les girondins trouvèrent moins de ressources encore dans le pays qu’au sein de l’assemblée pour continuer une lutte dont ils avaient déserté le terrain vrai. Ceux d’entre eux qui purent se dérober aux poursuites de leurs ennemis et se jeter dans les départemens pour les appeler à venger la souveraineté nationale outragée dans leur personne ne rencontrèrent en cette entreprise que trahisons multipliées, déceptions amères et douloureuses catastrophes. Ce n’est pas cependant que les élémens manquassent alors à une résistance bourgeoise organisée, dans le sens des conquêtes de 89, à l’ombre du drapeau qui en était demeuré le glorieux symbole. Pendant que la Vendée livrait ses combats de géans sous l’oriflamme religieuse qui, en se teignant dans le sang de Louis XVI, avait pris une couleur toute monarchique, la bourgeoisie essayait, par un tardif effort, de briser le joug de fer que la démagogie parisienne avait imposé à la France. Les propriétaires ruinés par les réquisitions, les capitalistes écrasés par la masse du papier-monnaie, les marchands anéantis sous le maximum, invoquaient enfin l’heure d’une lutte dans laquelle le désespoir aurait donné du cœur aux plus lâches. Soixante départemens protestaient, ou les armes à la main, ou par l’attitude de leurs administrations, contre le despotisme d’une commune qui, après avoir vaincu la convention, en avait fait le passif instrument de sa tyrannie, la hache dont elle tenait le manche. Comment et pourquoi ces efforts, qui s’élevèrent à Lyon jusqu’aux proportions de l’héroïsme antique, qui un moment se trouvèrent soutenus en Normandie par une armée, furent-ils soudainement arrêtés ? Devant quels obstacles vint se briser cette résistance de la bourgeoisie, dont le concours de l’Europe tout entière semblait garantir le succès ? Sérieuse question, dont la solution, si les bornes de ce travail nous permettaient de la traiter complètement, viendrait accabler la mémoire des malheureux proscrits que les événemens firent les chefs de cette déplorable guerre !

Si l’on vit échouer, en effet, aussi promptement dans l’impuissance et la désorganisation le vaste mouvement calomnieusement désigné sous le nom de fédéralisme, et qui ne fut, en réalité, que la défensive des intérêts bourgeois contre les passions démagogiques, c’est qu’au lieu de s’engager sur le terrain de la constitution de 91, qui était celui de la bourgeoisie, cette guerre se livra sur le terrain de la république, qu’elle avait acceptée sans confiance, sur la seule parole des girondins. Si les proscrits du 31 mai et du 2 juin, au lieu d’être une force et un point d’appui, devinrent partout où ils se présentèrent pour diriger le mouvement prétendu fédéraliste une pierre d’achoppement et un élément