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localités, les agens de la commune de Paris furent emprisonnés ; les directoires suspendirent leurs relations avec la capitale, dominée par un pouvoir anarchique, qui lançait des mandats d’arrêt jusque sur la personne du ministre de l’intérieur. Si l’indignation de toutes les administrations départementales n’amena pas des déchiremens qui auraient alors été d’une portée incalculable, il ne faut l’imputer qu’à une seule cause, la réunion prochaine de la convention nationale, de laquelle les départemens croyaient pouvoir attendre et la vengeance du crime et le rétablissement du pouvoir. Si les députés à la convention n’avaient pas dû se rassembler à Paris à l’époque même où parvenaient dans les provinces les nouvelles et les détails de ces journées, il est hors de doute que le mouvement fédéraliste qui éclata l’année suivante contre le despotisme de la capitale aurait fait explosion dès cette époque. Or, une telle crise, s’ouvrant pendant que les coalisés, maîtres de Longwy et de Verdun, assiégeaient Lille et menaçaient Reims, aurait été la plus redoutable épreuve que pût traverser la république, qui n’était pas même encore légalement proclamée.

Susciter gratuitement un tel péril, c’était rendre des chances manifestes au parti royaliste, bien loin de lui en ôter ; c’était commettre une faute plus grande encore que le crime. On sait quelle réprobation ces assassinats suscitèrent dans nos armées, qui, à cette époque, adhéraient encore aux opinions feuillantines professées par tous leurs généraux, et les documens étrangers nous ont révélé quel parti le généralissime ennemi s’était proposé de tirer d’une crise considérée au quartier-général prussien comme devant amener la dissolution de l’unité nationale. Si la marche en avant du duc de Brunswick fut arrêtée aux derniers jours de septembre, si un mois plus tard son armée était en pleine retraite, ces succès ne peuvent être attribués qu’au génie de Dumouriez et à ses combinaisons immortelles. Si l’indépendance du territoire fut sauvée, la France doit en rendre grace, après Dieu, à cette religion du drapeau qui, au cœur de ses nobles enfans, survit à toutes les catastrophes, et par laquelle les peuples conservent, jusque dans les plus humiliantes épreuves, l’estime d’eux-mêmes et le germe de l’avenir.

Où donc et en quoi se révèle l’utilité politique d’un tel forfait, si souvent alléguée comme son excuse et sa rançon ? De quel péril a-t-il préservé la révolution ? de quels ennemis l’a-t-il délivrée en compensation de tous ceux qu’il lui a faits ? Quelle formidable insurrection tramaient du fond de leurs cachots ces prêtres et ces bourgeois terrifiés ? Quels moyens possédaient-ils pour la préparer, ces malheureux qui n’avaient pas plus disputé leur liberté qu’ils n’allaient disputer leur vie ? Dire que les victimes des arrestations opérées à Paris après le 10 août pouvaient être redoutables à un parti dans les cachots de la