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sentimens personnels, fermaient obstinément l’oreille aux supplications de la noblesse émigrée. Les princes français avaient à peine obtenu dans les grandes cours allemandes les égards dus à leur malheur et à leur rang.

Si un commencement de concert s’établit entre les cabinets de Vienne et de Berlin lors de la tentative de Varennes, ce fut sur les instances personnelles de Louis XVI et point du tout sur celles de l’émigration ; ce concert d’ailleurs tendait à faire modifier la constitution par l’accord du roi et de l’assemblée beaucoup plus qu’à faire triompher l’ancien régime et les prétentions de la noblesse. L’alliance, qui ne prit une forme officielle qu’au mois d’août 1791, n’avait pas pour but d’attaquer la révolution, mais seulement d’organiser contre les jacobins une surveillance armée. Jusqu’aux jours qui précédèrent immédiatement l’ouverture de la campagne de 1792, le droit des Français à se constituer comme ils l’entendraient, par l’accord du roi avec l’assemblée nationale, était expressément indiqué dans toutes les déclarations émanées des cabinets. En même temps qu’on poursuivait la réparation de préjudices causés, contrairement aux traités, aux princes de l’empire possessionnés en Alsace par divers actes de l’assemblée constituante, on espérait exercer, par l’appareil d’une coalition éventuelle, un effet moral utile à la sûreté personnelle des membres de la famille royale. Obtenir pour Louis XVI sa liberté d’action, provoquer par l’accord du roi avec le parti modéré des modifications à la constitution dans le sens des partisans des deux chambres, telle était, à cette première période, la seule pensée et la seule espérance de l’Europe. La célèbre déclaration de Pilnitz n’avait ni un autre sens, ni une autre portée : si l’empereur Léopold, long-temps perplexe, se détermina à la signer, ce fut avec la confiance de couvrir, par cette manifestation, sa responsabilité comme chef de l’empire, et son honneur comme chef de la maison d’Autriche. Aussi le seul fait de l’acceptation définitive de la constitution par le roi et la réintégration de ce prince dans l’exercice du pouvoir exécutif en septembre 1791 devinrent-ils bientôt après une occasion ou un prétexte pour rétablir tous les rapports diplomatiques avec la France, et pour protester d’intentions pacifiques dont la plus insigne mauvaise foi pouvait seule alors contester la sincérité.

Malheureusement la déclaration de Pilnitz eut sur l’opinion un effet tout contraire à celui qu’en avaient attendu des gouvernemens fort ignorans des grandes émotions publiques, et qui n’avaient tenu compte ni de l’action de la tribune ni de celle de la presse. La majorité de la législative, dominée par les girondins et les montagnards alors étroitement unis, appela la guerre avec une ardeur qui descendit vite, au cœur de la nation, et adressa aux cabinets signataires de cette déclaration