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Il appartient cependant à la loi d’agir dans de certains cas où les mœurs sont sans vertu ; elle leur vient en aide alors plus qu’elle ne les contrarie. C’est ainsi qu’il était convenable, comme l’administration l’a proposé, de soumettre à des restrictions le travail des dimanches et des jours fériés : ces jours-là, il ne devrait pas se faire de travaux ostensibles ; les entrepreneurs de travaux publics exécutés pour le compte de l’état ou subventionnés par lui devraient, moins que tous autres, laisser leurs ateliers ouverts, de même les boutiques devraient être fermées, sauf quelques exceptions reconnues indispensables. Les mœurs n’ont pas la force de mettre fin à l’abus qui s’est introduit chez nous, quoique ce soit la violation des règles de l’hygiène, une insulte aux traditions les plus respectables, les plus antiques et les plus universelles du genre humain ; qu’à défaut des mœurs la loi intervienne. Par une bizarrerie qu’on ne s’expliqué pas, l’administration a molli au lieu d’avoir une volonté ferme quant à l’ouverture des boutiques le dimanche, et le conseil général, à son exemple, s’est effacé[1].

La nomenclature donnée ici des questions soumises au conseil général serait trop incomplète, si je n’en signalais deux autres qui se recommandent par leur étendue, celle du régime des eaux et celle des voies de communication. Elles sont très complexes, et, pour être traitées comme il le faut, elles auraient absorbé toute la durée de la session. Elles requièrent, en législation et en administration, des connaissances auxquelles beaucoup de membres du conseil général étaient étrangers, quelque distingués qu’ils fussent d’ailleurs. Ce n’est pas précisément de cela qu’on s’entretient quand la maison brûle, et voici qui le montre bien : le conseil général n’a pas mis ces questions en délibération[2].

Il faut aussi nommer une question, celle des marques de fabrique, qui avait déjà traversé le conseil général lors de sa session de 1846 et a été depuis l’objet d’un projet de loi. On en avait fait grand bruit à l’origine ; mais les discussions raisonnées qui s’étaient succédé l’avaient extrêmement amoindrie. Maigre elle était entrée cette fois au conseil général, plus maigre elle en est sortie. C’est ainsi qu’une pièce de fer de qualité équivoque, lorsqu’on la forge à plusieurs reprises, se réduit

  1. Ce n’est pas que je regrette la loi du 18 novembre 1814, qui contenait une série de prescriptions sévères pour la célébration du dimanche. Je la tiens pour impossible : elle rencontrerait dans les mœurs, telles qu’elles sont, une résistance invincible ; mais, sans aller jusque-là, à beaucoup près, on peut faire plus que n’a proposé le gouvernement au conseil général. Il faut aviser à rendre aux marchands en boutique et à leurs employés une liberté dont ils se privent les uns les autres le septième jour, et dont leur santé se trouverait fort bien, et leur moral pareillement. On ne voit pas en quoi la proposition du gouvernement y pourvoit.
  2. Je ne puis appeler délibération l’intervalle de cinq minutes qui a été consacré à la question du régime des eaux dans la dernière séance du conseil général.