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relle. Bien que MM. Huc et Gabet eussent appris en Chine qu’il existait beaucoup de rapports entre les cérémonies catholiques et les cérémonies lamanesques, ils ne purent se défendre d’une profonde surprise en voyant que, sur ce point, loin d’avoir exagéré les ressemblances, on ne leur avait pas tout dit. Les grands lamas, lorsqu’ils font quelque cérémonie hors du temple, portent, comme nos évêques, la crosse, la mitre, la dalmatique, la chape ou pluvial. La psalmodie, les exorcismes, les bénédictions, le célibat ecclésiastique, le jeûne, les processions, l’encensoir, l’eau bénite, le chapelet, ce ne sont là que quelques-uns des mille rapports qu’on remarque entre les pratiques du bouddhisme et celles de l’église catholique. Toutefois Klaproth et d’après lui d’autres géographes ont prétendu à tort que la confession auriculaire était de règle chez les bouddhistes comme chez les catholiques. Les lamas ne confessent personne et ne se confessent pas eux-mêmes. Le génie imitatif de Tsong-kaba s’est arrêté aux choses extérieures, à la forme.

C’est aux bouddha-vivans qu’il appartient de veiller à la pratique régulière du culte, à l’observation des règles liturgiques. La conservation de la doctrine est particulièrement confiée au Talé-lama de H’Lassa, le plus puissant des bouddha-vivans. On avance dans la hiérarchie lamanesque par son propre mérite, secondé de quelques protections et d’un peu d’intrigue. Quant à la dignité de bouddha-vivant, elle ne se gagne pas, on l’apporte en naissant, la vertu la plus parfaite ne pouvant suffire à transformer ici-bas l’homme en divinité. Quand un bouddha-vivant meurt, cela signifie simplement qu’il a voulu changer de corps. La lamaserie privée de son chef n’est donc nullement attristée ; elle attend que le chaberon reparaisse. On appelle chaberon tous ceux qui, après leur mort, subissent des incarnations successives, en d’autres termes, tous ceux qui ont le privilège de quitter un corps vieux et maladif pour un corps jeune et vigoureux : ce sont là les bouddha-vivans. La nouvelle incarnation n’est jamais, connue immédiatement. Aussi les lamas, dès qu’ils sont privés de leur saint spécial, s’occupent-ils à découvrir l’endroit du Thibet où il a opéré sa métamorphose, car c’est toujours au Thibet que Bouddha va choisir un nouveau corps ; quand un arc-en-ciel ou quelque autre signe les a mis sur la voie, ils prennent les conseils du tchurtchun ou devin, et partent à la recherche de leur chaberon ; quelquefois celui-ci prend lui-même la peine de leur faire dire où il est. Il se manifeste en disant : « C’est moi qui suis le bouddha-vivant, le supérieur immortel de telle lamaserie ; qu’on m’y conduise. » Le jeune chaberon, malgré tout le respect qui lui est dû, est soumis à un examen préalable.

« On tient une séance solennelle ; où le bouddha-vivant est examiné devant tout le monde avec une attention scrupuleuse ; on lui demande le nom