Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/1012

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rêta chez lui et devint son maître. Cet étranger mourut quelques années après son arrivée dans le pays d Amdo, et Tsong-kaba partit pour le centre du Thibet, la terre des esprits (H’Lassa). Il y mena d’abord une vie retirée, pas assez retirée cependant pour qu’on pût ignorer qu’il voulait réformer l’ancien culte et introduire dans les cérémonies lamanesques des rites nouveaux. Bientôt il eut un parti et prêcha publiquement sa doctrine. Le bouddhisme indien ou primitif, qui s’était répandu dans le Thibet vers le VIIe siècle, ne put long-temps résister aux coups de l’éloquent agitateur ; il n’était plus dans l’Inde que la religion d’une minorité ; au Thibet, il disparut complètement. Le chef religieux et le roi du Thibet intérieur reconnurent eux-mêmes la suprématie de Tsong-kaba, et la réforme put s’effectuer sans obstacle. Le corps du réformateur est conservé à la lamaserie de Kaldan ; il est de foi parmi les bouddhistes qu’il s’y tient miraculeusement suspendu à deux pieds au-dessus du sol. La lamaserie de Kaldan doit une grande vogue aux reliques qu’elle possède ; on y compte huit mille lamas.

Tsong-kaba ne changea rien aux bases premières du bouddhisme : il accepta la transmigration des ames et le reste ; mais il s’efforça de réformer les mœurs, de soumettre les lamas à une discipline plus sévère, de spiritualiser le culte ; il fortifia la hiérarchie cléricale et imposa une liturgie nouvelle. Son œuvre est tout entière dans ces dernières mesures.

Grace au savant ouvrage de M. E. Burnouf sur l’histoire du bouddhisme indien dans le nord de l’Inde, on connaît le fond de la doctrine bouddhique ; on sait qu’elle suppose une série perpétuelle de créations et de destructions. Les êtres animés sont divisés en six classes : anges, démons, hommes, quadrupèdes, volatiles et reptiles. Tout ce qui a vie passe par de continuelles transformations, et suivant le mérite ou le démérite, dans ces six classes. À force de transmigrer, on finit par atteindre la perfection, et alors on va se perdre dans la grande essence de Bouddha ; dans l’espace lumineux qui renferme tous les êtres futurs en même temps qu’il absorbe tous ceux dont les épreuves sont finies. C’est du pur panthéisme. Comme les hommes ont besoin d’être guidés, Bouddha, l’être indépendant, le principe et la fin de toutes choses, le créateur universel, consent à s’incarner dans des corps humains. Ces incarnations sont illimitées, et il en résulte que le nombre des bonddha-vivans tend à s’accroître toujours.

Les livres sacrés des bouddhistes sont des recueils de sentences et de préceptes généralement très sages. Ce n’est jamais, en effet, par la pureté des maximes que pèche une docirine ; les principes sont toujours moraux et élevés : c’est la pratique qu’il importe de voir. Il faut chercher le caractère du bouddhisme thibétain dans la forme extérieure du culte, ainsi que dans sa double organisation spirituelle et tempo-