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ensuite l’assemblée était officiellement saisie de projets de la compétence directe de la commission, et qui avaient ce caractère : cependant la commission n’en a pas dit un mot.

Ainsi, pour citer quelques exemples de ces deux sortes d’omissions, la commission a complètement passé sous silence la taxe des pauvres, qui, en Angleterre, date du règne d’Élisabeth, et qui, établie en vertu d’une série de lois amendées et recomposées en un corps homogène par l’acte de 1834, semble devoir s’y perpétuer indéfiniment. Le régime actuel de la taxe des pauvres, en Angleterre, a au moins deux avantages : la subsistance est assurée aux populations dans les chômages ordinaires, et il n’y a plus rien qui favorise le penchant à L’oisiveté, parce que l’homme valide, du moment qu’il reçoit du secours, est soumis à une contrainte qui lui pèse et qu’il secoue dès qu’il le peut : c’est d’être enfermé dans la maison de travail (workhouse). Les événemens feront inévitablement revenir la taxe des pauvres dans la discussion publique en France. Il paraît impossible qu’on s’en passe dans tout pays où le système des grandes manufactures s’est développé ; elle est en usage dans l’Union américaine, au sein des états même les plus renommés pour leur civilisation, le Massachusetts, le Connecticut. C’est donc, dans le travail de la commission, une lacune qu’on s’explique difficilement.

Il y avait pourtant une bonne raison pour que la commission ne tînt pas ainsi dans un oubli complet la taxe des pauvres, considérée comme une mesure générale de la bienfaisance publique : c’est que nous avons beau croire ne pas l’avoir, nous la possédons positivement, sous un autre nom, avec une destination spéciale qui ne laisse pas que d’être fort étendue. Ce que les intéressés glorifient et font glorifier sous le titre pompeux et la protection du travail national n’est que la taxe des pauvres, et ne peut même se défendre qu’à ce titre. Je défie que, pour motiver ce système de politique commerciale, on trouve une autre raison que celle-ci : « Dans le cas où l’on supprimerait la protection, les ouvriers de telle et de telle industrie seraient sans emploi, et il faut bien les nourrir. » Dans ce dire, il y a beaucoup d’exagération : je le montrerais, je le crois, si c’était ici le lieu ; admettons-le pourtant comme parfaitement exact. Il n’en sera pas moins vrai que la protection se résout en un impôt, mis sur le consommateur au profit de ces industries, et, du point de vue de l’égalité devant la loi, c’est un système insoutenable, car aucun Français n’a le droit d’imposer à son bénéfice le reste de ses concitoyens, et l’on ne doit d’impôt qu’à l’état ; mais, à titre de charité, et, à ce titre seul, la mesure s’explique et un peut en soutenir la convenance. Quand bien même ce système protecteur ne serait pas une des fermes de la taxe des pauvres, du moment qu’elle est en pleine activité, depuis trois siècles, chez une grande