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II


Louis seize venait de mourir, — le couteau
Ruisselait de son sang dans les mains du bourreau,
Et, dans le camp des rois, tout en tirant l’épée,
La France avait jeté cette tête coupée ;
Quatre-vingt-treize était en pleine éruption,
La lave débordait sur chaque nation,
Et la guerre étrangère allait, de ville en ville,
S’allumant au foyer de la guerre civile,
Lorsqu’un rouge brandon, à travers un ciel bleu,
Sur la Corse égaré, vint y mettre le feu.
Les Anglais s’y trouvaient ; à l’ancre dans les rades
De l’île, après avoir lancé quelques grenades,
Ils soufflaient, attisaient la discorde, du bord.
Paoli les reçut ; le vieux chef avait tort ;
Mais, dans sa trahison patriote sincère,
À la mort du monarque, il crut pouvoir le faire.
D’autres (les Bonaparte étaient parmi ceux-là)
N’abandonnèrent pas leur pays pour cela.
Ils crurent qu’il fallait en suivre la bannière,
Et que, le roi tombé, la France était derrière.
Alors il se forma deux camps sous un drapeau ;
La montagne insurgée ameuta son troupeau.
Pendant plus d’une année, avec d’égales forces,
Lions contre lions et Corses contre Corses
Luttèrent, et, de l’un contre l’autre parti,
Chaque matin, le cor de chasse retentit.
C’est durant cette époque et de gloire et de honte
Que se sont accomplis les faits que je raconte.
Pardonnez ces détails ; rappelez-vous qu’ainsi
La bouche des vieillards m’en a fait le récit,
 Et que, depuis Nestor, sur leur lèvre glacée,
La parole ressemble à la neige amassée.

III


Au seuil de sa maison, au penchant du Mont-d’Or,
Un homme était assis, semblable à Mac-Grégor.
Quant à lui, combattant pour la cause française,
Il n’avait pas pleuré la mort de Louis seize,