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n’a point ces séductions d’un diplomate et d’un victorieux dont Milosch savait si bien faire usage ; mais, si le nouvel élu de la nation serbe ne possède point ces dehors brillans et ce prestige d’une renommée personnelle, il y supplée par une droiture de sentimens bien constatée ; par une énergie de volonté qui n’a point encore faibli. Nous avons eu l’occasion précieuse d’entendre de sa bouche l’expression de ses sentimens et de ses vœux. Malgré la réserve diplomatique commandée à un prince protégé par la Russie, on voyait assez clairement combien il tenait à l’estime de la France ; mais, s’il semblait attacher beaucoup de prix à être apprécié chez nous, ce n’était point en ambitieux porté aux aventures. Il jugeait mieux des intentions et des intérêts de l’Occident. Lui aussi, il paraissait compter grandement sur l’appui bienveillant de la diplomatie française, non dans l’idée de créer des embarras au sultan, dans la pensée, au contraire, d’associer plus étroitement les intérêts de son peuple à ceux de l’empire ottoman. Le prince de Servie, comme tous les patriotes intelligens qui ont coopéré à son élection, était convaincu qu’il n’y avait d’avenir pour les chrétiens de la Turquie que dans le progrès régulier de leurs institutions et de leur race sous la suzeraineté ottomane. Il était persuadé que le salut de ces peuples se trouve ainsi lié au salut des Turcs et que la plus impérieuse nécessité commande aux uns comme aux autres de se tenir cordialement unis. Cette politique est précisément celle qui convient à la France dans les affaires d’Orient.

Si donc le prince Michel Obrenowitch a pensé que la crise de l’Europe orientale pouvait être favorable à la réhabilitation de son père et rouvrait un chemin aux ambitions de sa famille, il pourrait bien avoir fait un faux calcul. Il court grand risque de trouver très peu d’écho en France. Sera-t-il plus heureux sur un autre terrain dans l’Europe orientale elle-même ? Les circonstances en décideront, et ces circonstances dépendent elles-mêmes de la politique des cabinets en Orient. Si la France et l’Angleterre consentaient à rester unies comme elles l’ont été un moment à Constantinople, il n’y aurait aucune raison de craindre pour la tranquillité des provinces danubiennes. Si, au contraire ; les deux cabinets de l’Occident se divisent, l’agitation continue, la propagande russe se développe et se fortifie. Dans ce cas, les idées du prince Michel Obrénowitch trouvent leur application. Milosch réhabilité devient un instrument dont la Russie peut se servir pour agiter les Serbes. Espérons que les intentions dont cet écrit est un des indices seront déjouées par la prévoyance des Turcs et par l’union des cabinets de l’Occident.

H. DESPREZ.


De la Civilisation chrétienne chez les Francs, par M. Ozanam.[1] — Le premier volume des Études germaniques de M. Ozanam a été cité dans cette Revue avec éloges. Il paraît que ces éloges étaient mérités, car l’Académie des inscriptions a accordé le grand prix Gobera à cet important travail, complété par un volume qui traite de la civilisation chrétienne chez les Francs. Nous signalerons dans la seconde partie de l’ouvrage de M. Ozanam les mérites qui recommandaient la première avec un intérêt, de plus, celui qui s’attache à nos origines nationales. L’auteur expose d’abord l’état du christianisme chez les Germains avant l’invasion, chapitre de l’histoire de ces peuples qu’on est trop porté à négliger, il ne faut pas oublier qu’une portion des barbares étaient

  1. Paris, chez Lecoître.