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ces conseils académiques, qu’il charge de présider aux études ? les compose-t-il de savans, de lettrés, de professeurs, d’hommes qui appartiennent à l’Université ? –Oh ! non ; M. de Montalembert a trouvé que l’Université avait un autre tort encore que ceux qu’il lui a long-temps reprochés : l’Université ne fait ni hellénistes ni latinistes ! Et cela dit, pour faire des latinistes et des hellénistes, M. de Montalembert s’adresse avec confiance aux membres des conseils-généraux. Le recours nous semble bizarre, et M. Barthélémy Saint-Hilaire a eu beau jeu à montrer que l’Université savait encore passablement enseigner le grec et le latin, et que personne, surtout en France, n’enseignait les lettres aussi bien que l’Université et n’en maintenait le culte avec plus de scrupule. M. de Barthélémy Saint-Hilaire, qui défend fort bien l’Université lorsqu’il ne mêle pas le dossier de l’Université avec le dossier de la république, a eu un véritable succès quand il a démontré que ces bacheliers refusés dont on se fait un argument : contre l’Université, c’est des établissemens libres et des établissemens ecclésiastiques qu’ils sortent presque tous, quand il a conseillé à M. de Montalembert de ne pas opposer à l’érudition française l’érudition allemande et ses témérités panthéistiques, quand surtout, changeant la défense en attaque, il a demandé compte à M. de Montalembert du style et du goût des écrivains et des sermonnaires de l’école néo-catholique. Il aurait dû, pour être tout-à-fait juste, ajouter que M, de Montalembert n’a point, donné lui-même dans ces vices du temps. À quoi du reste faut-il s’en prendre du mauvais goût qui a régné pendant quelques années dans la chaire chrétienne, sinon à la débilité des études du clergé ? Toutes ses traditions le poussent vers le bon goût et le grand style, qui semblent, pour ainsi dire, faire partie de son orthodoxie, en France surtout ; dans le pays de Bossuet, de Fénelon, de Bourdaloue, de Massillon. Si le clergé a trébuché, s’il a penché du côté du mauvais goût, si les grands dogmes du christianisme ont été annoncés en style romantique, ce sont les mauvaises études du clergé qu’il faut en accuser. Cela aussi bien s’était déjà vu en France, au commencement du XVIIe siècle, avant la réunion des études ecclésiastiques entreprise par le cardinal Duperron, le cardinal de Berulle et le cardinal de Richelieu ; alors aussi le style de la littérature et de la chaire ecclésiastiques était subtil ; prétentieux, affecté. Les fortes études que fit alors le clergé sous l’inspiration des trois grands cardinaux que nous avons nommés rendirent au clergé français le bon goût et le bon style.

Vouloir ôter à l’université l’honneur de bien enseigner les lettres et confier ce soin aux conseils-généraux, c’est un paradoxe que le talent de M. de Montalembert lui-même ne pouvait pas soutenir. Nous croyons cependant avec lui qu’il est bon de confier le gouvernement de l’instruction publique dans les départemens aux conseils académiques et d’introduire dans ces conseils des membres des conseils-généraux ; mais d’une part nous nous gardons bien de confondre le gouvernement de l’instruction publique avec l’enseignement, et nous remercions M. Thiers de la distinction qu’il a faite à ce sujet ; d’une autre part, nous croyons que les conseils académiques ne doivent pas être exclusivement composés de membres étrangers à l’enseignement. Un mot d’abord sur ce point. Les anciens conseils académiques n’étaient pas exclusivement composés de membres appartenant à l’enseignement, mais les membres de l’enseignement y avaient la majorité. Nous ne demandons pas la même faveur,