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d’un législateur n’a pas respectée par suite d’une conception fausse, que toutes les sectes socialistes détruisent ou dénaturent à l’envi. L’égalité, c’est tout simplement le droit commun au respect, à la protection. L’égalité dans la responsabilité, voilà l’égalité morale ; l’égalité devant la loi, voilà l’égalité civile. Toute autre est chimère, tyrannie, iniquité de droit et de fait. La propriété est fille aussi de la liberté humaine s’appliquant à la matière, objet et instrument de notre activité comme le corps lui-même ; elle n’est qu’un prolongement, une dépendance de ma personne, consacrée au même titre, et comme elle ayant droit à la protection de l’état. Voilà comment une logique impérieuse, ou, pour mieux dire, une observation loyale des faits de la nature humaine enchaîne indissolublement et rattache à la même racine psychologique les principes de tous les rapports sociaux, la liberté politique, l’égalité civile, la responsabilité, la justice rémunératrice, la pénalité, l’état et la propriété.

Telles sont les idées sur lesquelles M. Cousin revenait fréquemment dans ses cours avant qu’elles eussent acquis un si triste intérêt d’à-propos : ici, entrant en lutte directe soit avec l’école rétrograde, soit avec le matérialisme, soit avec l’esprit révolutionnaire, plus souvent exposant ses principes avec simplicité et calme au nom de la science, réfutant Hobbes et Helvétius, jugeant Ferguson, Smith et Reid, expliquant la Critique de la raison pratique de Kant, développant et rectifiant Platon, livrant à Loche un combat en règle, et donnant toujours à sa morale et à sa politique un développement parallèle. Dernièrement, à l’appel du péril, sous le feu de l’argumentation ennemie, nous l’avons vu rentrer dans cette large et savante exposition des principes sociaux, d’ailleurs plus militante par le fond des idées que par la forme, et, il faut le dire, plus faite pour convaincre les intelligences sérieuses que pour convertir les partis. La brochure de circonstance : Justice et Charité, n’a point montré M. Cousin sous un aspect nouveau. Principes, méthode, style, nous possédions tout cela dans ses précédens écrits. L’insurrection de juin, qui a été l’occasion de cette brochure, n’a pas provoqué chez lui les idées qu’il y exprime, elle n’en a provoqué qu’une mise au jour, s’il est permis de le dire d’une telle nature d’ouvrages, plus populaire.

M. Cousin a reproché à l’économie politique de Smith et de l’école anglaise, dans l’analyse qu’il en donne, de sacrifier au principe de justice celui de charité. Lui-même, nous devons le dire, n’a pas échappé à ce reproche. On a accusé M. Cousin de ne pas assez répondre à ces idées de charité, de fraternité, et, d’une manière plus générale, de ne pas accorder une part suffisante au sentiment. Un seul mot à ce sujet. Quel était le but de M. Cousin ? C’était de faire de la morale une science. Or, quelle est la condition d’une science ? C’est un élément universel