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reçus et si peu suivis ; mais il ne pouvait échapper à ce représentant expérimenté du gouvernement britannique qu’en continuant à Berne, même avec peu de chances de succès, le rôle de modérateur que la droiture de son caractère lui aurait, en tout temps, fait choisir, alors même que les intérêts de son pays ne le lui auraient pas commandé, il prenait le meilleur moyen de parer à des éventualités qui déjà se laissaient entrevoir, et menaçaient de changer en un échec définitif l’avantage que la politique anglaise avait, on sait maintenant à quel prix, remporté en Suisse.

Le dernier incident diplomatique dont il nous reste maintenant à rendre compte n’a jamais été révélé au public, et, si l’on excepte le petit nombre d’hommes considérables qui y ont pris part, bien peu de personnes en ont eu connaissance. Il nous est impossible de le passer sous silence, non-seulement parce qu’il se rattache directement à la question suisse, dont nous avons cherché à raconter fidèlement toutes les phases, mais encore parce que, si la révolution de février n’eût pas éclaté, il est probable qu’il eût exercé sur la politique extérieure de notre pays et sur le sort de l’Europe une influence considérable.

Nous avons dit, avec quelques détails, comment, à la fin de 1846, le gouvernement français, sans rien abandonner de la politique qui lui était propre, sans aller rechercher l’alliance des cours du Nord, sans se rapprocher en quoi que ce soit des tendances qui caractérisaient particulièrement la politique de la cour de Vienne, avait cru utile, pour le salut de la Suisse et le maintien de la paix du monde, de faire, de l’autre côté du Jura, avec l’Autriche, ce qu’il avait réussi à faire, pour un temps, avec l’Angleterre, de l’autre côté des Pyrénées, ce qu’il avait également essayé en Grèce avec l’Angleterre et la Russie, c’est-à-dire oublier momentanément l’antique rivalité d’influence, afin de s’occuper ensemble et de bonne foi d’un intérêt spécial, pressant et supérieur à toutes les dissidences ordinaires. De la fin de 1846 à la fin de 1847, cette entente de la France avec les cabinets de Berlin, de Saint-Pétersbourg, et en particulier avec le cabinet de Vienne, avait été, en ce qui regardait les affaires de Suisse, heureusement maintenue, malgré quelques différences de conduite plus apparentes que réelles. Dans l’action commune, la France avait joué le rôle principal et le plus actif, non point parce qu’elle était plus que les cabinets de Russie, de Prusse ou d’Autriche, animée contre les gouvernemens radicaux de la Suisse, mais, tout au contraire, parce que, moins compromise et restée de plus grand sang-froid, elle n’avait pas prématurément rompu comme eux les liens et cessé les communications qui lui permettaient d’agir encore sur la portion restée saine de ce malheureux pays.

Cette entente avait été d’une nature si peu exclusive, que rien n’avait