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l’initiative du mouvement d’opinion tenté en Angleterre en faveur des Magyars n’envisageaient la question que par son côté le plus général. Ils prenaient à la lettre les affirmations des agens de M. Kossuth ; ils croyaient à une Hongrie de quatorze millions d’ames, libérale et civilisatrice ; c’était pour eux une nouvelle Pologne relevant le drapeau des nationalités et s’interposant comme un boulevard entre la Russie et l’Europe. De nobles esprits, qui étaient habitués à se voir à la tête des manifestations en faveur de la Pologne, beaucoup de caractères libéraux, qui avaient du plaisir à protester contre la politique des gouvernemens absolus, puis quelques héros de meetings, qui voyaient là une belle occasion de se remuer et de faire parler d’eux, tous ces hommes, réunis sous l’impulsion de sentimens divers, donnèrent le branle à l’opinion et l’émurent. La guerre de Hongrie devint populaire dans l’aristocratie britannique. Le chef du Foreign-Office fit lui-même entendre aux Magyars des paroles d’encouragement et tint, dans la chambre des communes, un langage plein de reproches amers pour le cabinet de Vienne. C’était peu, et la cause magyare réclamait d’autres secours. Le gouvernement insurrectionnel, que les feuilles démocratiques d’Allemagne et de France s’opiniâtraient à appeler républicain, travaillait alors à gagner l’Angleterre, en lui insinuant que la royauté étant vacante en Hongrie, M. Kossuth lui-même, quoique soupçonné de républicanisme, n’éprouverait nulle répugnance pour un prince de la maison de Cobourg. Les Magyars ne doutaient point que lord Palmerston, touché de ces ouvertures, n’embrassât ardemment la cause de l’indépendance hongroise. Ils connaissaient assez peu l’Angleterre pour s’imaginer qu’elle allait d’enthousiasme se poser ainsi seule en face de l’Europe, et assez peu la Russie et l’Autriche pour croire qu’elles prendraient en considération les menaces de l’Angleterre isolée. Plus, au contraire, le cabinet de Londres s’éloignait de celui de Vienne, plus l’alliance russe devenait indispensable pour l’Autriche. La sympathie de l’Angleterre tournait donc au détriment des Magyars plus encore que la froideur de la France, et, au dehors comme au dedans, ce malheureux peuple se brisait contre l’impossible.

Cependant l’armée autrichienne se reconstituait peu à peu. Après avoir été battue sous le général Welden, qui avait remplacé le prince de Windischgraetz, elle avait reçu pour général en chef le rude et opiniâtre Haynau. En même temps, l’armée russe envahissait la Hongrie par trois points : la Moravie, la Gallicie, la Valachie. Elle arrivait, et, avant de combattre, elle tentait de son côté quelques essais de diplomatie à l’adresse des Magyars ; elle semait çà et là de vagues rumeurs auxquelles l’inexpérience politique de ceux-ci allait se laisser prendre. Insensiblement le bruit se répandit en Hongrie que les Russes n’étaient pas des ennemis systématiques des Magyars ; que le Moscovite