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charme si impérieux ? est-ce aussi en vain qu’il a fait don à quelques-uns de ses enfans de ce génie qui découvre les lois de la nature et en met les forces dans notre main ? L’aisance, la richesse, ne sont-elles pas d’ailleurs un moyen de s’élever du grossier labeur d’une vie toute matérielle au développement de l’esprit ? Qui oserait dire que la Providence a condamné l’immense majorité de l’espèce humaine à une ignorance et à une misère irrémédiables ? Sans doute la souffrance ne sera jamais détruite, parce qu’elle est une suite de la nature et de la condition humaine ; la misère elle-même ne sera jamais vaincue ; mais n’est-ce point une pensée pieuse, ou du moins une espérance permise, que le cercle de la misère ira sans cesse se rétrécissant, et qu’il s’en échappera d’âge en âge un nombre toujours croissant de créatures affranchies du joug du besoin, capables d’exercer leur intelligence et de reconnaître au fond d’elles-mêmes en traits plus éclatans l’image obscurcie de Dieu ?

Il ne s’agit donc pas d’étouffée cette aspiration universelle au bien-être, à l’indépendance, à l’égalité ; il s’agit de la régler, et, pour cela, il n’y a qu’un moyen dans une société qui ne croit plus que ce qu’elle comprend et ne veut rien admettre sur parole, c’est la prédication universelle des idées morales, c’est la démonstration infatigable de ces trois dogmes vivifians : la responsabilité humaine, la Providence, l’immortalité.

Le drapeau sous lequel nous voudrions voir se rallier tous les esprits éclairés, tous les cœurs généreux, porte cette double devise : Le salut de la société par le réveil des croyances morales, le réveil des croyances morales par la philosophie et la liberté.


EMILE SAISSET.