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vraies que de cette vérité relative que le temps altère, et qui varie avec les progrès de la civilisation. Or, celles-ci avaient peu à peu perdu leur prestige, sourdement minées ou audacieusement attaquées par l’esprit nouveau. À leur place, d’autres idées, pleines de jeunesse et d’attrait, s’étaient emparées de la conscience des peuples et faisaient tressaillir tous les cœurs d’enthousiasme et d’espérance. Un jour vint où les vieux principes, discrédités et flétris, ne purent plus se soutenir, et ils entraînèrent la société entière dans leur chute.

Nous sommes nés au milieu de ces ruines. Depuis un demi-siècle, le problème suivant est posé à la société moderne : entre les idées du passé, idées religieuses, croyances morales, doctrines politiques et économiques, déterminer celles qui ont disparu sans retour et celles, au contraire, dont l’éclipse n’est que d’un instant, et qui, indestructibles comme la justice et la vérité, doivent concourir avec les idées nouvelles à l’organisation d’une société rajeunie ?

Voilà le problème ! mesurons-en toute la profondeur. Nous n’en sommes plus à discuter telle innovation politique, telle ou telle réforme dans la foi religieuse ou dans les mœurs ; c’est l’ordre moral en soi, c’est l’ordre religieux et l’ordre politique dans leur fond et dans leur substance qui sont en jeu. Nous avons vu l’esprit de négation se déchaîner avec une audace inouie et du tranchant de son analyse mettre à nu les racines de la société. Je ne sais quel doute nouveau, immense comme l’horizon de l’intelligence humaine, s’est répandu dans les ames. Il semble planer sur nos têtes et de son souffle puissant abattre nos volontés et glacer nos coeurs. On entend retentir ces questions étranges : Y a-t-il une responsabilité humaine ? Propriété, famille, gouvernement, qu’est-ce que tout cela ? Rien autre chose peut-être que d’utiles lisières qui ont soutenu les premiers pas de l’humanité naissante et que l’humanité virile doit briser ! Hommes des temps nouveaux, nous inclinerons-nous encore devant ces mots sacrés pour nos pères : Dieu, la Providence, la vie future ? Préjugés vieillis, absurdes chimères, fantômes à jamais évanouis !

Je ne déclame point ; il suffit d’ouvrir l’oreille pour recueillir le sinistre écho de ces doutes partout soulevés, et certes, quand on voit de tels doutes pénétrer dans les couches les plus profondes d’une société battue par les orages et qui a précipité dans les flots ses pilotes et son gouvernail, l’angoisse est terrible pour l’ami de l’humanité.

Or, à qui la société demande-t-elle la solution de ces problèmes ? Est-ce à la tradition, au témoignage, à quelque autorité visible ? Évidemment non. Elle s’adresse à la raison, à la discussion libre, c’est-à-dire au fond, qu’on y consente ou qu’on proteste, qu’on ait peur du mot ou qu’on le prononce avec respect, à la philosophie.

Oui, c’est un fait éclatant comme le soleil que les hommes de ce temps