Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/1103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hermelles. En douze, quinze heures au plus, cet oeuf est transformé en un animal qui nage, s’arrête et se dirige en donnant des signes évidens de spontanéité. Le même oeuf, abandonné dans le liquide et sans contact avec l’élément fécondateur, se décompose au bout d’environ quarante à cinquante heures ; mais qu’on ne croie pas qu’il reste inactif pour cela. Le travail caractéristique des premières phases du développement se manifeste chez lui aussi bien que dans l’oeuf fécondé. Le jaune se dilate et se contracte ; la tache, la vésicule, disparaissent ; le vitellus se fractionne et s’éclaircit. Pendant les premières heures, il est presque impossible de distinguer l’un de l’autre un oeuf fécondé et celui qui ne l’est pas. Chez ce dernier cependant, les mouvemens sont de plus en plus rapides, de moins en moins réguliers, et, au lieu d’aboutir à l’organisation d’un nouvel être, ils ont pour résultat la destruction du germe, mais prenez quelques-uns de ces oeufs déjà avancés et qu’on croirait prêts à se dissoudre, mettez-les en contact avec des animalcules fécondans ; bientôt les mouvemens se ralentiront, se régulariseront, et des neufs de trente-neuf heures vous donneront parfois de nombreux essaims de larves. Ces faits, que j’ai bien des fois vérifiés, me paraissent aussi décisifs que possible. Ils nous apprennent que les mouvemens dont l’oeuf devient le siège immédiatement après la ponte sont entièrement indépendans de la fécondation. La disparition de la tache et de la vésicule germinatrice, les oscillations du jaune et son fractionnement sont, dans l’élément femelle isolé, autant de signes d’une activité propre, d’une vie qui lui appartient. Quand ces mouvemens s’arrêtent, quand l’oeuf se décompose, c’est qu’il vient de mourir.

Ainsi les animalcules fécondateurs, en s’isolant du père, emportent avec eux une certaine somme de vitalité. De même, en se séparant de la mère, les oeufs possèdent une vie propre et individuelle. Chez les neufs, même non fécondés, cette vie se manifeste par des mouvemens spontanés et caractéristiques, tout comme on l’observe allez les animalcules. Chez ces derniers, la vie s’épuise constamment au bout d’un temps assez court il en est exactement de même pour les oeufs non fécondés. Dans les œufs fécondés, au contraire, les mouvemens vitaux se prolongent et aboutissent à l’organisation complète d’un être vivant. Le contact des animalcules a donc pour but non pas de donner ou de réveiller une vie qui existe déjà dans l’oeuf et qui se manifeste par des phénomènes appréciables, mais bien de régulariser l’exercice de cette force et d’en assurer ainsi la durée[1].

  1. Plusieurs naturalistes avaient entrevu les mouvemens que présentent les oeufs non fécondés ; mais, préoccupés de l’idée que l’élément mâle était nécessaire pour vivifier le germe, ils avaient regardé ces mouvemens comme dus à un commencement de putréfaction. C’est surtout à cette croyance que répond l’expérience que pou vous citée plus haut. Il est évident que des oeufs déjà atteints jusque dans leur composition chimique n’auraient pu se réorganiser pour donner naissance à des larves. Au reste, depuis que j’ai fait connaître ces recherches, les résultats en ont été confirmés par divers observateurs.