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l’esclavage ne serait introduit dans aucune des provinces, états ou territoires que les événemens de la guerre pourraient ajouter aux possessions de l’Union. Cet amendement préventif, qu’on a appelé le proviso de Wilmot, fut voté par la chambre des représentans, et, chaque fois qu’un nouveau crédit fut demandé par le gouvernement, chaque fois l’amendement de M. Wilmot fut introduit dans les dispositions du bill. En février 1847, un crédit de 3 millions de dollars ayant été demandé, on appréhenda que la chambre des représentans ne manquât de persévérance ; les législatures des états de New-York et de Pensylvanie intimèrent aux députés de ces deux états au congrès l’ordre de réclamer et d’appuyer le proviso de Wilmot, qui, cette fois encore fut voté. Le sénat, il est vrai, où le parti démocratique avait la majorité, ne manqua jamais de rejeter le proviso pour éviter tout embarras à l’administration et pour calmer l’effervescence des esprits. Cette clause, en effet, était un perpétuel sujet d’irritation pour les populations du sud, qui n’avaient voulu la guerre du Mexique que pour ajouter à la confédération de nouveaux états à esclaves, et rétablir entre les deux fractions de l’Union la balance détruite au profit du nord. Si l’esclavage devait être interdit dans les provinces conquises, tous les fruits de la guerre étaient perdus pour les états du sud, et, s’appuyant sur le texte de la constitution, qui laisse aux états particuliers la décision des questions relatives à l’esclavage, les représentans du sud au congrès combattaient le proviso comme un empiétement sur les droits des futurs états, puisqu’il tranchait à l’avance une question dont la solution leur appartenait. Nous n’avons point à faire l’histoire de ces irritans débats, qui ont plus d’une fois transformé le congrès des États-Unis en un véritable champ de bataille. Nous appellerons seulement l’attention sur deux faits. Dans ces luttes si vives, les députés, au moment du vote, se divisaient presque toujours en députés du nord et députés du sud, sans distinction de partis, preuve manifeste de la prépondérance chaque jour croissante des questions territoriales sur les questions politiques. En second lieu, l’intervention officielle des législatures des deux plus grands états du nord en faveur du proviso de Wilmot et cette résurrection du mandat impératif pour une telle question prouvent les progrès rapides qu’avait faits le parti de la liberté du sol.

Ce dernier-né de la politique américaine ne se bornait plus en effet à dissoudre le parti whig, qui l’avait long-temps protégé, et qu’une certaine communauté de luttes et d’opinions prédisposait en faveur de ses doctrines ; il faisait invasion au sein du parti démocratique, que de longues liaisons politiques attachaient bien plus étroitement aux intérêts des états à esclaves. Il y trouva même un point d’appui très puissant dans les amis personnels de l’ancien président Martin Van Buren,