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la carte du monde, pour qu’il sache la place qu’y occupe sa patrie. Et nous aussi, nous aurions bien la matière d’une étude de ce genre, et nous pourrions suivre les traces de la France partout où peut pénétrer la pensée plus conquérante que le commerce, et plus rapide que les ailes des vaisseaux ; mais le goût nous en manque : ne suffit-il pas à notre vanité que les autres sachent quel admirables pays nous habitons ?

Le nombre des livres destinés à mettre l’Angleterre sous les yeux des Anglais est immense. Les autres livres sont pour la plupart d’une cherté aristocratique : ceux-là se vendent à toutes les classes, et à bas prix. Nul n’est trop humble pour apprendre à être un bon Anglais. Je doute qu’il reste dans ce pays une pierre portant quelque empreinte du travail humain, ou une taupinée que la topographie ait encore à relever. Ce sont les écrivains et les artistes qui font le cadastre. Il n’y a pas une perche de la terre sacrée qu’ils n’aient figurée ou décrite. Les localités y mettent un double orgueil, l’orgueil du lieu et l’orgueil anglais. En France, j’ai vu, même avant février, tomber, faute d’acheteurs, une collection des Dictionnaires de Géographie départementale. L’ouvrage était très bien fait ; mais on y enseignait la France aux Français. C’était hasard qu’on réussît. Nous aimons mieux nous vanter de notre pays que le connaître.

C’est parce que les Anglais connaissent le leur à fond qu’ils sont si attentifs sur sa politique intérieure, et si jaloux d’y faire prévaloir leurs opinions. On peut spéculer sur leur patience, tirer en longueur, temporiser mais on ne les trompe pas plus sur leurs véritables besoins qu’on ne parvient à leur en donner de faux. Tout Anglais a un avis sur les affaires de l’intérieur, et il n’est pas aisé de l’en faire changer ; en revanche, et la remarque en a été faite, il n’en a point sur les affaires extérieures, ou il y est fort coulant. D’abord, il sait s’y reconnaître incompétent ; ensuite, il s’en fie aux lumières et au patriotisme de son gouvernement. Parmi les mille choses sensées qu’il m’a été donné d’entendre, rien ne m’a plus frappé que ce que me disait un jour ce même avocat tory qui trouvait légale la condamnation de Charles Ier. Je lui demandais son sentiment sur la conduite de lord Palmerston dans les affairés d’Italie. Je parlais à un tory d’un ministre whig, je devais m’attendre à des critiques : c’est le cœur humain en France. « Je n’ai point d’opinion, me dit-il, sur une affaire que je ne sais point ; mais je m’en rapporte à lord Palmerston : c’est un homme de talent, et un bon Anglais. – Ah ! m’écriai-je, on y met moins de discrétion dans mon pays ; il n’y a pas de café de village où l’on ne sache au juste ce que lord Palmerston aurait dû faire, et où l’on ne le blâme sévèrement de ce qu’il a fait. »

Toute l’Europe sait comment la bourgeoisie anglaise se défend contre