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le moindre doute à cet égard. Il y a quelques mois, en racontant les malheurs de la Haute-Italie, et cette série de fautes qui a abouti à la catastrophe de Novare et la déroute de tant d’espérances, nous avions cru pouvoir inférer de son silence à la tribune et dans la presse que son ame (la chose eût été bien naturelle) s’était laissé gagner au découragement. Nous nous étions trompé ; jamais l’illustre initiateur des idées libérales en Italie n’a cru plus fermement à leur triomphe et ne s’est montré plus confiant. Qu’on en juge. Repoussant même la nécessité d’un remaniement violent du statuto, M. Balbo affirmait naguère qu’avec de la patience le gouvernement pouvait venir à bout du mauvais vouloir de ses adversaires et conquérir petit à petit une majorité. Pour cette œuvre pleine de lenteur, plusieurs dissolutions successives du parlement ne l’effrayaient pas. Il se fondait, non sans raison, sur le bon sens et la loyauté du gros de la nation, qui saurait toujours passer sans encombre à travers les agitations électorales. À quoi on pourrait bien répondre, il est vrai, que de telles épreuves par tous pays, sont toujours dangereuses et ressemblent un peu à ces fièvres des pays méridionaux dont le troisième accès emporte le patient sans remède : que, quelque robuste et saine que soit la constitution du Piémont, elle pourrait bien ne pas résister, et qu’en définitive le plus prudent est d’y couper court. Ce n’est pas à la république et à M. Mazzini que la crise aboutirait. Sur ce point, nous partageons pleinement la quiétude de M. Balbo : le Piémont ne supporterait pas la république ; mais il est un autre danger non moindre aux yeux des amis de la liberté et dont M. Balbo ne se rend peut-être pas aussi bien compte. Ce danger, c’est que la population, fatiguée de toutes ces convulsions ne s’accommodât parfaitement, pour gagner un peu de repos, de l’abolition de toute espèce de statuto. L’abolition du statut, ce serait le triomphe de l’Autriche ; or il ne saurait nous être indifférent de voir l’Autriche, de droit sinon de fait, établie à Turin. Voilà pourquoi nous souhaitons vivement une pleine et prompte réussite à l’entreprise de M. d’Azeglio et de ses collègues, car de leur succès ou de leur chute dépend l’existence du gouvernement parlementaire en Piémont, et par contre-coup l’avenir de toute la Péninsule, qui considère aujourd’hui avec raison ce royaume comme le refuge et l’arche de la liberté italienne.


L. G.


V. de Mars.