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après la loi des douanes, le plus puissant instrument de la régénération administrative et financière du pays. Il s’agit de la réorganisation générale de la comptabilité.

La comptabilité actuelle est un chaos. Qu’on en juge : chaque ministère, à part celui de la justice, administre une ou plusieurs branches du revenu, en perçoit et en applique à sa guise le produit. Cette anarchie d’attributions a pour premier inconvénient de provoquer des conflits journaliers entre les administrations centrales, de créer des inégalités choquantes entre les divers services, chaque département ministériel tirant à lui le plus d’argent qu’il peut, d’interdire enfin au ministre des finances toute vue d’ensemble, toute continuité d’action ; car il a sans cesse à compter avec quatre ou cinq autres ministres des finances. Ce n’est pas tout. Chaque ministère, pour gérer le revenu ou la fraction de revenu compris dans son ressort, s’adjoint toute une administration spéciale, ce qui double, triple, quadruple certains frais de perception, et rend toute responsabilité illusoire en la divisant à l’infini. Un chiffre donnera la mesure de ce désordre fiscal : le tribunal- mayor (espèce de cour des comptes) voit soumettre chaque année à son approbation 10,564 comptes distincts, qui ne sont subordonnés, dans les centres de perception ou de destination, à aucune condition de contrôle réciproque, et n’ont souvent pour garantie que la bonne foi des comptables intéressés. Voilà les énormes abus auxquels s’attaque le décret en question. À partir de l’exercice prochain et en attendant qu’une loi vienne régler définitivement la matière, les agens de perception attachés aux divers départemens ministériels relèveront du ministre des finances, et toutes les recettes de l’état entreront intégralement au trésor avant d’aller alimenter les divers services.

Le système judiciaire sera prochainement l’objet d’améliorations non moins urgentes. Les tribunaux inférieurs, tels qu’ils sont encore constitués en Espagne, ne jouissent d’aucune considération, car ils n’offrent aux justiciables aucune garantie. Les juges ne sont pas inamovibles ; comme ils tirent en outre le plus clair de leur revenu des droits prélevés sur les justiciables, ils sont les premiers intéressés à multiplier les formalités, à éterniser les affaires. Les jugemens les plus graves sont en certains cas rendus par un seul magistrat, et le ministère public est souvent désarmé de toute initiative. La complication de la procédure, l’incessante confusion du civil et du pénal, du correctionnel et du criminel ajoutent à ces abus tant d’autres causes d’abus, que la justice, pour nos voisins, est bien moins une sauvegarde qu’un épouvantail. Le gouvernement, qui n’apportait jusqu’ici à cet état de choses que de timides palliatifs, a pris enfin le bon parti de le réformer en bloc. À part d’insignifiantes exceptions, la justice espagnole sera organisée à la française.

Les budgets de 1850 ne sont pas encore soumis à la discussion publique. Le bruit court que cette discussion amènera quelques explications aigres-douces entre diverses notabilités de la majorité. Quand à l’opposition, convaincue qu’elle ne brillait décidément pas dans les questions d’affaires, elle a choisi ailleurs son terrain. Un de ses membres vient de déposer sur le bureau une motion relative aux incompatibilités parlementaires Ce hors-d’œuvre, tombant ainsi des nues au milieu des questions urgentes qui assaillent de tous côtés la