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les dettes : sur quelle nature de revenu les imputera-t-on, là où le croît annuel de la richesse est puisé à une double source ? En supposant que le départ se fasse malgré les difficultés, quels seront les moyens de contrôle ? comment décider, quand il s’élève des réclamations ? Quelle large porte ouverte à la fraude d’un côté, et de l’autre à l’arbitraire !

Envisagé comme un expédient de circonstance, l’impôt projeté sur le revenu mobilier était donc un mauvais calcul ; au point de vue des principes, on ne pouvait pas l’avouer. Une taxe sur le revenu ne saurait en effet, se restreindre à une partie des revenus ; sans une contradiction flagrante. Cet impôt est la négation de tous les autres ; il saisit en bloc la quotité annuellement disponible pour les besoins de l’état, sur laquelle chacune des autres taxes prélève son tribut en détail. En le rendant partiel, on le rendrait injuste. Aussi l’impôt sur le revenu est-il général dans son assiette partout où l’on a tenté de l’établir, à Genève, en Angleterre, en Bavière, en Autriche, dans quelques états secondaires de la Suisse et de l’Allemagne.

Un impôt qui atteindrait les revenus de toute nature, sans exception, est-il aujourd’hui possible en France ? Avant de l’examiner, avant de rechercher si cette taxe trouverait un point d’appui dans nos mœurs et dans la distribution des fortunes, tout le monde s’accorde, je pense, à reconnaître qu’il ne saurait être question d’en faire une sorte de contribution additionnelle, et d’en surmonter purement et simplement notre édifice financier. Les revenus contribuent déjà directement aux charges de l’état sous diverses formes. La richesse immobilière est grevée de l’impôt foncier, ainsi que de la contribution des portes et fenêtres ; celle des patentes frappe les produits du commerce et de l’industrie manufacturière ; la contribution mobilière saisit les capitalistes et les rentiers. Que les contributions directes soient bien ou mal assises, peu importe ; on ne peut pas sans témérité grever d’une seconde taxe d’un impôt personnel, des revenus qui se trouvent déjà soumis à un impôt réel. En Angleterre, l’impôt foncier n’a laissé derrière lui qu’un reliquat peu sensible, et n’existe plus que de nom ; l’impôt mobilier est inconnu, et l’impôt sur le revenu ne double aucune autre taxe. En Bavière, pour établir l’impôt sur le revenu, on a supprimé en-deçà du Rhin la taxe de famille, et la contribution mobilière au-delà. Pour introduire en France la taxe sur le revenu, telle que la propose M. Passy, il faudrait donc changer de fond en comble l’économie de notre système financier, et commencer par abolir les quatre contributions directes. Or, quel homme d’état digne de ce nom oserait nous recommander de supprimer une ressource certaine de 430 millions pour courir après les résultats hypothétiques d’un impôt nouveau, après une ressource que l’on n’élèverait à 500 millions qu’en