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parti modéré ne pourrait en témoigner du mécontentement que dans le cas où il n’aurait pas d’intérêts supérieurs aux susceptibilités d’une assemblée ; et où la conduite du président ne serait pas dictée par ces intérêts mêmes ; mais cela n’est point vrai : l’initiative du président n’enlève à l’assemblée aucune de ses prérogatives, aucune des garanties qu’elle possède contre les erreurs possibles du pouvoir exécutif. L’assemblée conserve par les votes financiers son légitime contrôle sur les actes du pouvoir, elle garde intacte sa puissance législatrice, elle a devant elle une œuvre immense à terminer dans l’élaboration de lois organiques. On se plaindra peut-être aussi, au nom des chefs les plus considérables de la majorité que la politique personnelle du président tient écartés du pouvoir. Jusqu’à présent, cette plainte ne me paraît guère fondée, car je ne crois pas que les chefs de la majorité aient été depuis un an fort ambitieux de prendre les affaires. et je suis sûr que, s’ils en eussent eu le désir, les occasions ne leur auraient point manqué : le pouvoir d’ailleurs n’est pas la seule place où ces hommes éminens puissent rendre au pays les plus grands services, et maintenir l’honneur de leur nom ; leurs conseils, leur patronage bienveillant exerceront toujours une action salutaire sur la marche du pouvoir, tant que la majorité et le pouvoir demeureront d’accord ; puis ils ont la tribune pour théâtre et la France pour auditoire ; leur autorité et leur popularité sont une des ressources les plus précieuses du pays, et je ne sais si, dans telle éventualité qu’on peut craindre, leur éloignement du pouvoir ne sera pas pour eux une force.

On peut opposer une dernière objection au plan de conduite que nous avons discuté ; on dira qu’en temps de révolution ces plans sont inutiles, et que l’avenir appartient toujours aux accidens et à l’imprévu. Je n’exagère pas plus qu’un autre l’efficacité des efforts humains ; je ne crois pas encore, comme M. Proudhon, que la volonté de l’homme soit bien près de détrôner la Providence ; pourtant je ne me résigne point à ce lâche fatalisme qui s’engourdit dans un optimisme fainéant ou dans une misanthropie stérile. Nous ne sommes pas maîtres du succès, c’est vrai ; mais nous sommes responsables de l’effort. Quant aux accidens, je réponds que la meilleure façon de les prévenir, c’est de marcher sur l’avenir les yeux ouverts, avec un dessein bien arrêté et une volonté aguerrie. Alors les accidens peuvent naître ; au lieu d’y trouver des obstacles, on les fait servir à ses résolutions. Or, à cette heure, si l’on plonge un regard dans l’avenir, on verra que les accidens ne peuvent sortir que d’une division au sein des parties monarchiques ou d’un conflit entre le président et l’assemblée. Si les idées que nous avons énuméré ont quelque valeur, c’est justement cette division et ce conflit qu’elles ont pour but de prévenir.

Il me suffit d’avoir indiqué l’éventualité de pareils accidens, je ne veux