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de l’équivalent de la taxe ; il n’en reste tributaire que dans les contrées et aux époques où l’on a quelque peine à trouver des capitalistes qui aiment mieux être gros fermiers que petits propriétaires.

On n’est donc pas reçu à poser en principe que tout impôt nouveau change, comme le prétend M. Passy, au détriment général, les relations établies entre les existences privées. En premier lieu, ces relations, je crois l’avoir démontré, ne sont rien moins qu’immuables ; secondement, bien qu’il y ait toujours quelque péril et beaucoup d’inconvéniens à établir une contribution nouvelle, telle taxe porterait un rude coup aux fortunes, aux existences, au crédit même, tandis que telle autre ne se traduira ni en souffrances privées ni en commotions publiques. Vous ne pouvez pas établir un impôt sur la rente, sans faire émigrer les capitaux vers des emplois plus profitables, sans donner une prime aux emprunts étrangers ; mais supposons que l’on ajoute 50 centimes aux cotes élevées de la contribution mobilière, quel ordre d’intérêts sera sacrifié aux autres, ou même frappé d’une surcharge qui le constitue en état de malaise, d’infériorité, d’oppression ?

Il y avait d’autres motifs pour repousser l’impôt sur le revenu mobilier. Sans entrer dans les considérations qui militent contre toute taxe sur le revenu, l’impôt demandé par M. Goudchaux avait l’inconvénient de faire double emploi avec la taxe mobilière et avec celle des patentes, et cela dans un moment où le contribuable supportait, outre le principal et les centimes additionnels ordinaires, le poids des 45 centimes que le gouvernement provisoire avait attachés aux quatre contributions directes. On voulait tirer encore du sang de ces veines qui avaient été déjà saignées à blanc. On s’adressait au capitaliste, au manufacturier et au commerçant, c’est-à-dire aux principales victimes de la commotion imprimée en février à la machine politique ; on exigeait les plus grands sacrifices de ceux qui avaient le plus souffert ; on frappait aux sources les plus épuisées : c’était un procédé à la fois injuste et impolitique.

Les méthodes de perception doivent toujours être simples ; or, le projet de M. Goudchaux posait un problème aux agens du fisc. Comment distinguer dans le revenu des contribuables ce qui vient de la richesse mobilière de ce qui découle de la fortune immobilière ? Faire deux parts dans les ressources annuelles de chacun, ce serait un travail déjâ bien difficile pour le contribuable et à peu près impossible pour le percepteur. Le monde ne se trouve pas partagé en prêteurs d’argent et en possesseurs de biens-fonds. Pour emprunter une expression qui a passé en proverbe, personne ne met tous ses oeufs dans le même panier. On a un peu d’argent à faire valoir, et de la terre à mettre ou à entretenir en état de culture. Puis, il est rare que celui qui possède ne doive pas quelque chose à son tour. De tout revenu net il faut encore défalquer