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d’obscurité et d’incertitude dans les esprits ; jamais les anciens qui ont marché ensemble depuis la révolution de février n’ont éprouvé un pareil malaise ; jamais enfin on ne s’est senti à la fois aussi éloigné et aussi rapproché du de dénoûment, — éloigné par des difficultés qu’on ose à peine envisager, rapproché par la nécessité qui presse tout le monde. Nous sommes justement arrivés au quatrième acte de la révolution de février. L’anarchie, les ridicules, les hontes du gouvernement provisoire et de la commission exécutive formèrent l’exposition de la pièce. Au second acte, la révolution essaya, sous la constituante et le général Cavaignac, de se gouverner avec des républicains modérés, mais exclusifs : le règne de ceux-ci finit le 10 décembre dans la solitude que la France fit autour d’eux. Au troisième acte, les partis monarchiques réunis auprès du président ont écrasé la horde révolutionnaire et ramené les républicains au sentiment de leur impuissance. Maintenant l’héritier de Napoléon, l’élu du 10 décembre, a saisi le pouvoir. La nécessité du dénoûment, c’est que le pouvoir, c’est-à-dire la défense et le gouvernement de la France, s’établisse sur des bases permanentes. Mais la difficulté est de savoir si les partis monarchiques ne retireront pas au prince Louis-Napoléon le concours qu’ils lui ont prêté jusqu’à présent, — de savoir si Louis-Napoléon pourra mener à fin, avec la seule force de son nom et de son caractère, l’œuvre que sa situation lui impose, — de savoir si l’un des deux autres partis monarchiques possède les garanties de la restauration sociale, est ou sera en mesure de rendre à la France la tranquillité intérieure, la prospérité, la puissance ; — de savoir enfin si les partis monarchiques peuvent se diviser sans trahir la cause éternelle qui doit dominer leurs dissentimens, et sans s’exposer à livrer une fois de plus la société à ses féroces ennemis. Voilà les nœuds que nous avons devant nous. Je le répète, avant que les événemens les tranchent, il faut les délier dans nos pensées et prendre un parti, de peur d’être déroutés par l’imprévu. Hâtons-nous, car la révolution ne nous attendrait pas : notre irrésolution, notre inertie, ne retarderaient pas la péripétie d’un jour.

Je vais donc toucher hardiment aux points les plus délicats de notre situation ; je veux aller au fond des choses. Je ne recherche d’autre mérite que la sincérité et la clarté, d’autre recommandation que la droiture de mes sentimens.

Depuis la manifestation populaire du 10 décembre, confirmée par les élections du 13 mai, les partis monarchiques, réunis sous le nom de parti de l’ordre, ont le pouvoir. Le pouvoir est un instrument pour arriver à un but. Avant d’examiner les idées et les intérêts qui peuvent diviser les partis monarchiques, fixons bien le but qu’ils ont en commun. Je ne parle pas des : buts sentimentaux ou secondaires. Il va sans dire que chacun de ces partis veut également améliorer la condition