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Tout cela, je le sais, est convenu ; on ne discute pas sur des vérités que tout le monde accepte : soit ! Aussi ne s’agit-il pas de discuter, mais de pratiquer ; ce qui importe, c’est de conformer les actes à des principes dont il semble que personne ne songe à contester l’évidence. Or, depuis la révolution de février en ce qui touche les travaux publics, on ne s’est pas suffisamment préoccupé nous le croyons, d’établir entre les actes et les principes cet accord reconnu si nécessaire. Tout le monde sait que le gouvernement provisoire ne s’est pas donné un pareil souci. Dissiper et détruire, voilà toute son histoire ; et pour ce qui regarde le travail surtout, s’il lui est arrivé par aventure de sortir des plus mauvaises conceptions, ç’a été pour gâter les bonnes. L’assemblée constituante, de son côté, semble n’avoir jamais vu la question que par un seul aspect. Dominée tantôt par la nécessité de chercher les garanties de la paix publique dans le développement du travail, tantôt par des préoccupations exclusives d’économies actuelles, elle a fait et défait suivant que les exigences de la situation la poussaient dans l’une ou l’autre voie ; mais en définitive l’économie, entendue dans son acception vulgaire, l’a emporté, et des réductions à outrance sont venues brusquement jeter une perturbation nouvelle dans le grand atelier des travaux publics. La conciliation nécessaire, réciproquement profitable, des intérêts du travail et de ceux du trésor, n’a donc pas été tentée. Cette tâche est réservée au gouvernement actuel, et à l’assemb1ée législative ; mais, pour l’accomplir il faut commencer par rompre à la fois avec les théories aventureuses du gouvernement provisoire et les excessives préoccupations d’économie qui les ont remplacées. Le meilleur moyen de nous mettre sur la voie d’une conciliation durable entre des exigences en apparence contraires, c’est donc de montrer à l’œuvre les deux systèmes qui ont tour à tour prévalu depuis février dans l’administration des travaux publics. De là à l’indication d’une plus sage politique, qui satisferait à la fois tous les intérêts, il nous semble qu’il n’y aurait pas loin.


I.

On se rappelle les vifs reproches, les critiques sévères adressées à la monarchie de juillet sur ses excès en matière de travaux publics. Sans discuter ici la valeur et la sincérité des accusations portées contre elle à ce sujet, sans refaire l’histoire de toutes les oscillations dans lesquelles les attaques de l’opposition ont entraîné l’opinion publique, et des exigences que le gouvernement avait à subir de ceux-là même qui étaient les plus ardens à le condamner, je me bornerai à dire, et il serait facile de démontrer pour ceux qui veulent voir clair dans de pareilles questions, que la charge des grands travaux sur le budget de l’état n’avait pas acquis une proportion qui dépassât les facultés du pays, et que, financièrement parlant, la France pouvait suffire à cette tâche. Toutefois l’éparpillement des ressources sur un trop grand nombre d’entreprises marchant simultanément avait le double inconvénient de retarder la jouissance des travaux commencés, par conséquent la mise en valeur des fonds successivement absorbés, et de développer, par la multiplicité même des ateliers ouvriers un surenchérissement factice de la main-d’œuvre et une concurrence qui était une surcharge pour les travaux industriels et agricoles en même temps qu’elle